ANAPI

Les Prisonniers du Viet-minh morts en captivité ont enfin leur monument

Par le lieutenant-colonel (er) Philippe CHASSERIAUD, président Idf ANAPI

Le 15 octobre 1954, les derniers prisonniers libérés par le Viêt-Minh embarquaient sur les bateaux de la marine française à Sam Son. Dès lors, un macabre décompte permettait de mesurer l’épouvantable tragédie qui s’était jouée : plus de 40 000 prisonniers des armées française et vietnamienne manquaient à l’appel. Au sort dramatique de ces derniers venait s’ajouter celui des otages civils, hommes, femmes et enfants, capturés dès 1946 lors des soulèvements de Vinh et d’Hanoï puis tout au long de la guerre, au Vietnam, au Laos et au Cambodge.

Évocation historique et symbolique du monument par M. le LCL (er) Philippe CHASSERIAUD, président IdF ANAPI

A quelques jours de ce 70ème anniversaire, l’Association Nationale des Anciens Prisonniers Internés Déportés d’Indochine (ANAPI) se devait de rappeler le souvenir des protagonistes de cette tragédie (européens, légionnaires, africains, nord-africains et indochinois), disparus sans laisser de trace, disparus dans la nuit sur des pistes sans fin, disparus dans les camps de la mort lente, sans espoir et dans un total dénuement.

Animée à la fois par la volonté de réinscrire le souvenir de ces malheureux dans notre mémoire collective et leur donner symboliquement une sépulture, eux qui en furent privés, l’ANAPI, a réussi en à peine 9 mois, à mener de front les trois phases indispensables à la réussite de ce projet :

– tout d’abord, la conception du monument, ni trop imposant pour ne pas effrayer la municipalité sollicitée pour l’accueillir, ni trop petit pour porter et illustrer symboliquement notre intention ;

– ensuite, la prospection, sans doute la phase la plus complexe à mener dans une région où il est plus facile d’honorer le souvenir d’Ho Chi Minh que celui de ses victimes. Finalement, après plusieurs approches, le choix de Morsang-sur-Orge dans l’Essonne est apparu comme une évidence compte tenu de la présence dans cette commune d’un vétéran de la RC4, dernier survivant essonnien des camps de rééducation du Viêt-Minh.

– enfin, la réalisation, dernière ligne droite, néanmoins tortueuse, consistant en d’innombrables présentations du projet et de multiples et fastidieuses négociations administratives, mais aussi en un témoignage d’une véritable convergence des énergies. Sa conséquence directe a été de permettre le financement intégral du projet par la contribution de multiples donateurs, souvent modique mais parfois très généreuse, permettant ainsi de lancer rapidement et sereinement ce chantier.

L’épilogue de cette aventure mémorielle s’est déroulé le 5 octobre 2024, à Morsang-sur-Orge (91) dans le parc Simone Veil, au cours d’une cérémonie, présidée par Monsieur CASTANIER, préfet délégué pour l’égalité des chances. Ce dernier, accompagné de Madame Marianne DURANTON, Maire de Morsang-sur-Orge et de Monsieur le Contrôleur général des Armées (2S) Philippe de MALEISSYE, président de l’ANAPI a alors solennellement inauguré le seul monument en France dédié aux prisonniers du Viet-Minh morts en captivité entre 1946 et 1954.

de gauche à droite : M. le CGA (2S), Philippe de MALEISSYE, Président national de l’ANAPI, M. Alexandre TOUZET, vice-président du Conseil départemental de l’Essonne, Mme Marianne DURANTON, maire de MORSANG SUR ORGE, M. Alain CASTANIER, Préfet délégué pour l’égalité des chances, Mme Jocelyne GUIDEZ, sénatrice de l’Essonne et M. le LCL BULIARD, DMD 91 adjoint
dépôt de gerbe de M. le Préfet CASTANIER

La présence de plusieurs détachements militaires venait rappeler le contexte de la guerre d’Indochine :

– un piquet d’honneur du 2ème Régiment du Service Militaire volontaire (RSMV) de Brétigny-sur-Orge, accompagné de son étendard, héritier du 10ème Régiment d’Artillerie Coloniale (RAC) qui s’illustra sur le point d’appui « Isabelle » lors de la bataille de Dien Bien Phu ;

Accueil de l’étendard du 10ème RAC/2ème RSMV

– un piquet d’honneur du groupement de Gendarmerie mobile de Maisons-Alfort, soulignant le fort engagement de la gendarmerie en Indochine où de nombreux chefs de poste isolé étaient des gendarmes ;

– un piquet d’honneur du Groupement de Recrutement de la Légion Etrangère (GRLE), rappelant que l’Indochine a été le théâtre d’opérations où la Légion étrangère paya le plus lourd tribut de son histoire.

Si la présence émouvante de sept prisonniers rescapés1 de l’enfer carcéral viêt-minh et le rappel de leur parcours respectif par des volontaires du Service National Universel (SNU) ont constitué un temps fort de cette cérémonie, l’intervention d’un représentant des différents cultes (bouddhiste, musulman, israélite, protestant et catholique), clôturant cette inauguration, a indubitablement marqué les esprits.

Mme Karine RADOJCIC, Directrice départementale de l’ONaCVG 91 et M. le CGA (2S), Philippe de MALEISSYE, Président national de l’ANAPI. A l’arrière plan, une partie des représentants des cultes bouddhiste et musulman

Nos prisonniers du Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO), leurs frères de misère de l’armée vietnamienne, ainsi que les otages civils, morts de maladie, d’épuisement et de désespoir, broyés par un véritable lavage de cerveau, ont à présent retrouvé leur place dans notre mémoire collective au travers de ce monument. Puissent-ils également trouver désormais le chemin de la paix et du repos éternel, eux qui sont amalgamés à tout jamais à cette terre indochinoise qu’ils avaient tant aimée.

A gauche du monument, le drapeau de l’Amicale des Anciens du camp 113 porté par un jeune volontaire de l’Ecole des porte-drapeaux de Milly la Forêt (91)

Clôturant cette cérémonie, un verre de l’amitié a réuni les différents acteurs et personnes présentes dans une salle qui, pour l’occasion, présentait une exposition sur la guerre d’Indochine et la captivité dans les mouroirs du Viêt-minh.

1  Voir article sur le site “les rescapés de la grande clémence de l’oncle Ho”

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Réflexions d’un ancien para vietnamien sur les prémices et la seconde guerre du Vietnam (1959-1975)

Par le Colonel Hoang Co Lan

1/ Le Corps Expéditionnaire Français est parti en 1956, mais les nombreuses activités françaises (enseignement, entreprises commerciales, banques..) sont restées. Ce qui rassure et donne une impression de stabilité au pays. On sait que les Communistes sont toujours là malgré le repli de certaines unités pour tromper le monde occidental qui ne demande pas mieux d’être berné d’ailleurs ! Plus tard on a su que beaucoup de Viet Cong ont épousé des femmes sudistes avant de partir au Nord, d’où descendance et taupes sur place le moment venu…Mais pour le moment, on savoure la paix revenue.

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2/ Les premières exactions (tracts, coupures de route, assassinats de cadres gouvernementaux, embuscades…) ont commencé progressivement à partir de 1958-1959.

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3/ Le terme Viet Cong signifie Communiste Vietnamien et rien d’autre, qu’il soit du Nord ou du Sud. Le Front de Libération du Sud Viêt Nam est une invention pour faire croire que c’est une entité spécifique groupant les opposants du Sud au régime Nationaliste de Saigon ! Il est totalement contrôlé par Hanoi et a servi à duper la terre entière pendant tout le conflit.

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4/ Le 6è BPVN est le dernier (1er,3è,5è et 7è) des 5 bataillons de paras créé avant 1955 et dont les cadres étaient entièrement vietnamiens. Du fait de la fin des hostilités après Điên Biên Phủ, il n’a pas participé à des engagements comme les 4 autres unités. Mais dans la création d’unités combattantes paras, on a du y transférer des hommes d’autres formations de la même arme. Le 3è BPVN par contre est créé le 1er Septembre 1952 par transfert du 10è BCCP (10è Bataillon Parachutiste de Chasseurs à Pied) dissous le 31 Août 1952. Les Cadres et Hommes de troupe français non rapatriables, rejoignent automatiquement le 3è BPVN. C’est ainsi que le chef de Corps et beaucoup de cadres étaient des métropolitains jusqu’à fin 1954, remplacés progressivement par des cadres vietnamiens. Sur la touche comme toutes les unités paras de l’époque, le 3è s’est illustré en janvier 1954 à Ban Hine Siu au Laos en stoppant toute une division ennemie.

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5/ Je ne comprends pas la date de 1965 prise comme début de la guerre du Viêt Nam ! Encore une invention des journalistes US ? L’année 1965 a vu le maximum de troupes américaines présentes au Viêt Nam: 500 000. Cette guerre de guérilla d’abord a débuté bien avant, en 1959-1960.

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6/ Il n’y a pas de mauvais soldats, il n’y a que des mauvais chefs ! c’est bien connu…Je n’ai pas souvenir de mauvais comportement au feu parmi les soldats américains, quoiqu’il y avait des unités plus renommées que d’autres : la 1ère Division de Cavalerie (1st Cav Div) et ses 400 hélicoptères, la 101è Div de Paras, surnommée les Aigles Hurlants, qui a sauté en Normandie le Jour J, la 1ère Division d’Infanterie (The Big Red One) qui a subi de lourdes pertes en débarquant à Omaha Beach…Une grosse différence cependant avec nous les combattants Vietnamiens, les Américains qu’ils soient cadres ou simples combattants, aux avant postes, en première ligne ou à l’arrière, ne font qu’un séjour d’un an. Durant cette période, ils jouissaient d’un mois de congé appelé Rest & Recreation (R&R) qu’ils passaient à Hong Kong, en Thalande, à Hawaii… Certains rempilaient pour un 2è séjour. Les 58 000 morts US n’étaient pas uniquement au feu (KIA, killed in action)

Comme Troupes Alliées, il y avait 1 Division Sud-Coréenne de haute valeur combattive au Centre Viêt Nam, 1 Division Thalandaise, les Queen’s Cobras uniquement pour sécuriser la route Saigon-VungTâu, la station balnéaire, un contigent Australien et Néo-Zélandais qui ont participé à quelques combats dans le Sud-Est du pays…L’Allemagne a envoyé un bateau hôpital…

Les Paras Sud-Vietnamiens signaient un contrat de 6 ans renouvelables. Moi-même j’ai porté le béret rouge pendant 13 ans.

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7/ L’Armée américaine est une armée hautement mécanisée et riche en matériel. On compte environ 9 hommes à l’arrière pour appuyer 1 combattant en première ligne. Il faut avoir vu les moyens de cette armée, son organisation et sa logistique… L’armée française aurait gagné “haut la main” la guerre d’ Indochine si elle avait seulement la moitié ou le quart des moyens dont disposait l’armée américaine à l’époque.

Seulement avec le recul du temps, les archives dévoilés, l’analyse des évènements passés, on peut sérieusement se poser la question sur la volonté de vaincre des Américains. Pour des raisons de géo politique, de gros sous ou d’autres raisons inavouables, les Américains n’ont pas voulu gagner la guerre du Viêt Nam. Des généraux américains dont le général en chef Westmoreland, ont déclaré qu’ils ont fait la guerre avec une main liée derrière le dos !

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8/ Le pauvre et petit Sud Viêt Nam a du lever une armée d’un million d’hommes. Nous formions un combattant de base en 4 mois. Ces appelés venaient pour la plupart de la paysannerie ou des classes populaires, nos cadres appartenant pour la plupart à la petite bourgeoisie, sortent des écoles d’officiers dont les premières étaient fondées par le maréchal De Lattre. Nos soldats ont la chance de vivre dans une société démocratique et savent pourquoi ils doivent se battre. Comme dans tous les pays libres, ils avaient le droit d’avoir une famille, des enfants éduqués gratuitement dans l’enseignement public, d’aller en permission durant leur service militaire. Comme dans toute armée du monde, notre armée avait des lâches et des planqués mais aussi des héros, beaucoup de braves, parmi la multitude de soldats qui ont tout simplement fait leur devoir. Vous avez évoqué le problème des désertions qui étaient isolées, épisodiques, mais jamais massives pour passer dans les rangs de l’ennemi (même situation chez les Prisonniers Internés Militaires (les PIM) à Dien Bien Phu. Ces soldats pauvres, souvent seuls loin de leur famille ou de leur région, en opération pendant des semaines, voire des mois, désertent tout simplement pour rentrer à la maison…mais jamais pour passer à l’ennemi ! Ils sont souvent repris, écopent d’une peine de prison et sont souvent réintégrés dans leur unité d’origine, à moins que certains coquins s’engagent dans une autre unité pour se faire oublier et toucher une autre prime d’engagement ! J’ai connu quelques cas de Marines déserter et s’engager ensuite dans les Paras…c’est la guerre et nous ne pouvons pas être trop regardant !

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9/ Le siège de Khe Sanh a duré plus longtemps que Điên Biên Phủ et a étrillé sévèrement 2 divisions Nord Vietnamiennes, la 304 et la 325C qui ont manqué au Politburo de Hanoi pour gagner à Huê lors de l’offensive du Têt 1968. Une partie du périmètre de Khe Sanh était tenue par le 7è Bataillon de Rangers Sud vietnamiens dont la presse US n’a jamais mentionné l’existence…

Les charniers de Huê, les 6000 civils massacrés n’ont pas beaucoup ému les consciences du “Monde libre”, surtout l’opinion américaine manipulée par des salopards de journalistes comme Kronkite. Ceci rappelle le cas des milliers d’officiers polonais massacrés sur ordre de Staline, et dont les fosses communes ont été découvertes par les troupes allemandes à Katyn. A-t-on parlé de cela au procès de Nuremberg ? Pas du tout puisque les Soviétiques assassins y siégeaient comme juges !

La guerre du Viêt Nam était effectivement une guerre à mort entre deux conceptions du Monde. Même maintenant les Communistes nient ce crime et en impute aux Américains et leurs alliés Sud Vietnamiens. C’est génétique, ils n’admettent jamais leurs erreurs ou leurs crimes et célèbrent toujours la bataille de Huê de 1968 comme une grande victoire, la dernière fois encore en février dernier.

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10/ L’Armée Sud-Vietnamienne a combattu seule avant l’arrivée des Américains, ensuite avec les Américains, puis de nouveau seule après le départ des Américains. C’est impossible de citer et décrire ses combats tout le long de ce conflit, mais je ne souhaite pas à n’importe quel petit pays, aussi brave et déterminé qu’il soit, d’être l’allié des Etats Unis. Le Sud Viêt Nam luttant pour sa survie, a été complètement, ou presque complètement ignoré des media américains et du monde occidental, qui ne font que baver sur lui ! Au point où on peut se demander si le “monde libre” n’est pas frappé d’une maladie suicidaire à se faire du mal à soi-même, à glorifier l’ennemi qui vous fait du mal et laisser tomber l’allié fidèle qui compte sur vous ! Le philosophe Raymon Aron n’a-t-il pas dit en 1975 : “l’Amérique a commis le crime de non assistance à une Nation alliée en danger de mort !”

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11/ Commission Internationale de Contrôle. A mon niveau, je n’ai jamais eu affaire à cette commission qui était composée je crois de Canadiens, d’Indiens et de Polonais ou Tchèques, communistes à l’époque. A mon avis cette Commission est une fumisterie, car que pouvait elle contrôler ? Les Américains partis, Nord et Sud Viêt Nam cherchent à étendre leur influence en occupant militairement le terrain au prix d’escarmouches plus ou moins graves. On voyait à la TV ces “contrôleurs” assister à des échanges de prisonniers qui se passaient généralement dans le calme : les prisonniers VC jetant leurs pyjamas de prisonniers au milieu du gué, pour bien montrer leur haine des capitalistes SudVN qui les ont si bien traités et nourris (un prisonnier coco après un séjour dans nos prisons prenaient environ 10kgs). La situation s’anime quand un prisonnier communiste refuse à la dernière minute de rejoindre le camp Socialiste..! Scandale…! ces messieurs de la Commission interrogent longuement le réfractaire, prennent son nom..et finalement doivent le laisser retourner dans sa prison sudiste infiniment plus confortable que le paradis socialiste qu’il a connu auparavant.

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12/ Poser cette question, c’est montrer au grand jour la politique insensée voire criminelle des Etats Unis qui nous ont imposé cette forme aberrante de guerre : à savoir, l’ennemi nous attaque chez nous, mais nous n’avons pas le droit de l’attaquer chez lui. nous avons juste le droit de nous défendre sur notre sol tout en subissant les foudres de la presse de notre propre camp! C’était donc une guerre perdue d’avance.

Nos avions n’avaient pas le rayon d’action nécessaire pour aller bombarder Hanoi et revenir. Pendant de longues années, l’ennemi avait des bases importantes au Laos et au Cambodge. De là il menait la guerre chez nous (quelquefois aux portes mêmes de Saigon), et se retirait ensuite dans leurs sanctuaires pour se reposer et se réapprovisionner, cependant nous ne pouvions pas les poursuivre au-delà de notre frontière ! C’était ubuesque ! Ce n’est qu’au début de 1970, le président Nixon a enfin donné l’ordre de franchir la frontière cambodgienne pour anéantir l’important centre de commandement ennemi appelé Cuc R. Après un blitzkrieg de blindés, nous avons atteint l’objectif mais l’oiseau s’est envolé (probablement prévenu). Il ne restait que la piétaille et un important dépôt d’armes +++ (de ma vie je n’ai jamais vu autant d’armement capturé, il y avait même un hôpital sous-terrain) Un sentiment d’amertume et de dégoût nous a tous envahis, eh oui les Américains ont voulu donner aux cocos Viets une dérouillée magistrale mais n’ont pas voulu les anéantir! La perte de l’important arsenal communiste ne changera pas d’un iota le déroulement du conflit, les Russes ou les Chinois les approvisionneront de nouveau vite fait !

Un seul chef de guerre a clamé haut et fort qu’il fallait porter la guerre au Nord, sinon c’est la défaite assurée. Simple logique ! C’était le général Dô cao Tri ancien parachutiste français et vrai chef de guerre. Il a tellement assené cette vérité à qui veut l’entendre que son hélicoptère a explosé en vol, entrainant en même temps dans la mort le reporter François Sully… Pour les politiciens et autres stratèges de haut vol US, Dô cao Tri est un homme dangereux, car on risque de le voir un beau matin, franchir le 17è parallèle, soit la frontière Nord-Sud avec ses hommes, et mettre en l’air toute la stratégie bancale établie par Washington jusque là !

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13/ Comme je l’ai déjà exposé, qui paie commande. Le pauvre Sud Viêt Nam au final dépendait entièrement des Etats Unis et de leur politique. L’abreuver d’injures et le laisser tomber au moment opportun, c’est comme prétendre qu’un chien est enragé pour pouvoir l’abattre ! Durant l’Offensive du Têt 1968, un général d’armée aérienne américain, William Wallace Momyer, commandant l’aviation US dans le Pacifique Sud, m’avait dit en aparté, que l’Amérique pouvait même ramener le Nord Viêt Nam à l’âge de la pierre en quelques semaines si elle le voulait (“With the means I have, I can bring North Viêt Nam back to the Stone Age in few weeks”)

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14/ Début Janvier 1974, la Chine a envoyé une petite escadre attaquer les iles Paracels au large des côtes Sud vietnamiennes. Ces Iles étaient vietnamiennes et faisaient parti de l’Indochine du temps de l’administration française. L’aviation Sud-Vietnamienne (des dizaines de chasseurs F5) montant de Saigon n’avait pas le droit d’intervenir (ordre américain), alors que les avions chinois n’avaient pas le rayon d’action nécessaire pour venir de la Chine (Ile de Hai Nam). Nous avons perdu ces Iles après un combat naval inégal, nos marins survivants ou blessés voguant sur des canots de sauvetage, n’ont pas été secourus par la 7è Flotte US en dépit de toutes les règles internationales en Mer !

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15/ Avec le conflit qui dure, l’Armée Sud-ViêtNamienne s’est aguerrie au fil du temps, et je défie n’importe quelle armée de n’importe quel pays tenir et combattre tout en se renouvelant et combler les vides dans ses rangs comme nous autres. Mais s’il faut nommer une troupe sortant du commun, ce sont alors mes frères d’arme de la Division Aéroportée forte de 12 000 hommes, et ne manquant jamais de volontaires même quand tout s’écroulait autour d’eux. Des jeunes allant au combat, sans être brevetés parachutiste, car on n’avait plus le temps… On a signalé à la fin des cas de jeunes officiers dégoupillant ensemble une grenade… Des héros, il y en avait et je commettrais une injustice à en vouloir nommer que quelques uns…

NB J’ai rencontré fortuitement le général d’Aviation W.W. Momyer durant l’Offensive du Têt à Saigon en Février 1968. Il a commencé sa carrière comme pilote de chasse durant la 2é Guerre Mondiale en Europe, et a même obtenu la Légion d’Honneur. Après divers Commandements, dont celui de Commandant l’Aviation Alliêe pendant la Guerre de Corée, il était à l’époque USAir Force Commanding Officer de toute l’Aviation US dans le Pacifique, en plus du poste de Général responsable du secteur Air du MAC-V (Military Assistance VN) A une de mes questions, lui-même a déclaré qu’il pouvait raser le Nord Viêt Nam en quelques semaines..! Je ne cite que les B-52 basés en Thailande et qui pouvaient tout raser avec une précision chirurgicale…J’en ai fait l’expérience en opération quand j’étais Paras!

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16/ Que penser de la limitation des opérations militaires durant le conflit ? Poser cette question, c’est montrer à la terre entière l’attitude insensée voire criminelle des Etats Unis qui nous ont imposé cette forme de guerre : L’ennemi nous attaque mais nous n’avions pas le droit d’aller l’attaquer chez lui, sauf de nous défendre sur notre territoire tout en subissant les foudres de la presse de notre propre mentor ! C’était une guerre perdue d’avance.

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17/ C’est criminel et indécent de voir la presse internationale nous tomber dessus à bras raccourci pendant des années et des années. La propagande et le mensonge sont des spécialités communistes. L’Agit-Prop russe a joué un grand rôle et a parfaitement réussi à pervertir la majorité des journalistes occidentaux. La terreur idéologique en somme, qui se prolonge maintenant avec le “politiquement correct” dans la presse et à la télévision. J’ai déjà parlé des désertions dans les Forces Armées du Sud, qui ne posent vraiment pas problème. La division de notre classe politique avant 1975, n’est rien à côté de ce qui se passe actuellement en France. Compte tenu de la guerre, nos élections présidentielles par exemple, étaient plus dignes que celles récentes aux Etats-Unis ! La campagne électorale idem.

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18/ Ce qui nous manque pour gagner ? L’aide militaire mais surtout l’appui politique de l’Amérique, qui nous a sacrifiés au sens propre du terme. Durant les dernières semaines, voyant que des unités SVN continuaient à résister, Kissinger a eu ce mot atroce : pourquoi ces types ne meurent ils pas vite (why don’t those people die fast ?). Avec le temps, c’était clair comme l’eau de roche: tout cela était voulu ! Ordre décousu donné 2 jours auparavant à un Corps d’Armée sur les Hauts-Plateaux ( 2 divisions d’Infanterie sans compter les unités d’appui annexes, la population civile…) de se replier sur la N7, cette route non utilisée depuis la guerre d’Indochine par le Corps Expéditionnaire Français (Opération Eglantine). Aucun plan de repli, d’ouverture de route, d’éléments de recueil jusqu’à la Côte, pas de couverture aérienne, aucun pont détruit …!

Un hôpital de campagne de 100 lits au sud de Huê a du lever le camp après un préavis de 2 jours, alors que son directeur s’est vu dire que tout doit fonctionner normalement et qu’il n’y aura pas de repli !! Son Chef a été sous mes ordres. Il s’est suicidé plus tard, après Mai 1975, emprisonné en camp de “Ré-éducation” !

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19/ Cette longue guerre qui nous a été imposée, a endurci à la longue notre armée. Ce qui fait qu’il n’y a vraiment pas d’unités exceptionnelles qui sortent du lot. On parle souvent des Paras, des Marines ou des Rangers parce qu’ils étaient sur tous les fronts, des “pompiers” en quelque sorte, chaque fois que cela allait mal. Mais je peux vous citer 2 unités qui méritent mon respect : la 1ère Division d’Infanterie basée à Huê et couvrant le nord du pays, la 22è Division d’Infanterie du colonel Trân đình Vỵ, basée à Pleiku et couvrant le Nord des Hauts-Plateaux. Cette division était composée au début, après les accords de Genève en 1954, de combattants Muong rapatriés du Nord Viêt Nam. Ces 2 divisions étaient les seules grandes unités sur les 11 divisions d’infanterie à avoir 4 régiments chacune. Les 9 autres seulement 3 régiments.

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20/ Le Colonel Trân đinh Vỵ n’a pas subi l’arrivée des Viets à Saigon, parce qu’étant chef de la province de Binh Dinh, il était sur la côte et avait pu partir avec sa famille. Moi-même, Hoang Co Lân, j’ai été ai évacué de justesse avec ma femme et mes 2 jeunes enfants par un ami de la CIA dans l’après-midi du 28 avril 1975. La fin : les chars Nord-Viêt-Namiens sont arrivés au Palais Présidentiel de Saigon le 1er Mai 1975, sans qu’aucun pont ne fut détruit depuis la frontière, sans aucune intervention de l’Aviation Sud-Vietnamienne. Tout cela était voulu, imposé par le “grand frère Américain !”

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Les rescapés de la grande clémence de l’oncle Ho

Par le lieutenant-colonel (er) Philippe CHASSERIAUD, président Idf ANAPI

Un monument dédié aux prisonniers du Viêt-Minh, morts en captivité entre 1946 et 1954, a été inauguré le 5 octobre 2024 au sein du parc Simone Veil à Morsang sur Orge (91).

Outre l’intervention d’un représentant de chaque culte (bouddhiste, musulman, israélite, protestant et catholique), conférant à ce monument la fonction symbolique d’une sépulture pour tous ces disparus qui en furent généralement privés, un autre temps fort de cette cérémonie a été l’évocation, par de jeunes volontaires du Service National Universel (SNU) du parcours de captivité de 7 rescapés de l’enfer carcéral Viêt-Minh, présents lors de cette cérémonie.

Retour sur l’effroyable et incroyable drame humain, vécu au Vietnam, au Laos et au Cambodge par ces derniers …

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Roger Cornet découvre l’Indochine en juin 1949. Il a alors 23 ans. Sergent au 3ème Tabor Marocain, il est affecté à la protection des convois qui empruntent la RC 4, axe logistique longeant la frontière de Chine, régulièrement attaqué.

En octobre 1950, lorsqu’éclate la sanglante bataille de la RC 4, l’unité de Roger est submergée par le Viêt-Minh. Alors qu’il tente de rompre l’encerclement avec quelques survivants, il est blessé le 8 octobre, puis capturé le 10 dans les environs de Dong Khé. Il est alors interné au camp n°3, camp de travaux forcés connu pour la dureté de son régime. Il est parmi les premiers à expérimenter le programme de rééducation idéologique nouvellement

instauré par le Viêt Minh. Au bout de 9 mois, c’est un bagnard réduit à l’état d’une maigre carcasse qui est finalement libérée le 10 juillet 51.

Son calvaire n’est pas pour autant terminé car il doit désormais affronter avec ses camarades, les interrogatoires incessants de la sécurité militaire, dont l’unique obsession est de mesurer leur degré d’intoxication marxiste, ajoutant à la tragédie de leur situation passée, l’ignominie d’une telle défiance.

A son retour de captivité, Roger Cornet n’oublie pas pour autant ses anciens frères d’arme marocains et n’a de cesse de faire reconnaitre leurs droits, se substituant à une administration défaillante et bien peu reconnaissante, en apportant notamment aux familles des disparus un soutien financier sur ses propres deniers lorsque cela s’avère nécessaire.

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Françoise Hugier, 7 ans, et son frère Patrick, 11 ans, sont les enfants de Monsieur Leminor, directeur de la plantation d’hévéas de Krek, au Cambodge, près de la frontière vietnamienne. Ils n’y séjournent qu’à l’occasion des vacances scolaires.

Le 12 août 1952, alors qu’ils sont invités avec leurs parents à la plantation de Chup, le Viêt-Minh et les Khmers Issarak passent à l’attaque. Françoise se cache alors derrière le bar, son frère Patrick dans la cuisine. Quand les tirs s’arrêtent, ils sortent de leur cachette, pour découvrir l’horrible spectacle de mares de sang et de corps jonchant le sol.

Ils sont alors capturés par le Viet Minh et emmenés de force dans un camp en pleine forêt, bravant serpents, sangsues et bêtes sauvages. Privés de leurs parents, ils essaient de survivre à ces conditions précaires. Patrick, plus âgé, est soumis à un endoctrinement idéologique quotidien, tous deux doivent apprendre l’Internationale en vietnamien et en cambodgien.

Après une opération des militaires français à proximité de leur lieu de détention, ils sont transférés dans un autre camp. S’affaiblissant progressivement, Françoise essaie de survivre au paludisme, quant à Patrick qui a tenté de fuir, il est rattrapé et pendu par les pieds à un arbre jusqu’à ce qu’il perde connaissance.

Au bout de huit mois, grâce à l’action des bonzes, ils sont enfin libérés. Patrick a alors conscience que plus rien ne sera comme avant et se mure dans le silence, portant systématiquement sa main à ses lèvres comme un tic pour dire « ne dis rien, c’est pas la peine ».

les enfants Leminor ont vu leur enfance volée par les conditions effroyables de leur détention, ce n’est qu’une fois adultes qu’ils sentiront à nouveau la vie en eux, la vie devant eux.

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Pédro Martinez-Parra débarque en Indochine le 13 mars 1952. Il a alors 24 ans. Il rejoint le 2ème bataillon du 3ème Régiment Etranger d’Infanterie qui mène en janvier 54 des opérations dans le nord du Laos. Son bataillon est alors durement accroché du 30 janvier au 2 février 54 par le Viêt-Minh. Sur un effectif total de 325 hommes, 228 sont tués ou portés disparus, seuls 19 rescapés parviennent à rejoindre les lignes françaises. Quant à son unité, la 6ème compagnie, privée d’une grande partie de son encadrement, ne parvenant ni à se regrouper, ni à rompre son encerclement, elle est totalement anéantie.

Avec un autre légionnaire espagnol, Pédro parvient cependant à franchir de nuit le dispositif ennemi, à la recherche désormais d’autres survivants. Leur objectif est simple rejoindre le premier poste encore tenu par les Français, à défaut, un pari fou, rejoindre la vallée de Dien Bien Phu située à quelques 80 km, soit 3 jours de marche, où un solide camp retranché s’est installé depuis novembre 53.

Le 31 janvier 54, en voulant sauver son camarade d’une mort certaine, il est finalement capturé. Ironie de l’histoire, il finira bien par rejoindre les combattants de Dien Bien Phu … mais une fois ces derniers faits prisonniers le 7 mai.

Pédro Martinez-Parra est libéré 7 mois plus tard le 1er septembre 1954, gardant à vie les séquelles physiques et psychologiques de cette captivité.

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Henri Knoppik découvre l’Indochine le 28 juillet 1952. Alors âgé de 20 ans, c’est un jeune parachutiste du 6ème Bataillon de parachutistes coloniaux (le fameux bataillon Bigeard).

Le 16 octobre 52, Henri est parachuté avec son bataillon sur Tu-lê pour y recueillir la garnison de Nghia Lo qui s’apprête à se replier.

Dès la nuit suivante, son bataillon encaisse l’assaut de 2 divisions viet-minhs. C’est au cours de ces violents combats, le 19 octobre 52, que Henri est capturé avec 70 de ses camarades.

Les bras ligotés dans le dos, privé de chaussures, Henri constate, au moment de passer sa première nuit de prisonnier, qu’il a reçu une balle dans le genou. Attaché à un autre prisonnier par une liane, il n’en poursuit pas moins le lendemain une longue marche vers le camp 113.

Sur place, il découvre un Français, un certain Georges Boudarel, exerçant les fonctions de commissaire politique adjoint. Fervent militant communiste, ce dernier applique avec zèle la politique de clémence du président Ho Chi Minh qui permet au camp 113 de détenir à cette époque le triste record du taux de mortalité le plus élevé.

Henri découvre alors l’enfer des camps de rééducation du Viêt-Minh : humiliation, privation, lavage de cerveau, corvées harassantes où seules la solidarité et la camaraderie lui permettent de ne pas sombrer et de survivre.

Henri est finalement libéré le 31 aout 1954, marqué à tout jamais par deux effroyables années de captivité.

En mémoire de ses camarades disparus, Henri Knoppik a été depuis l’infatigable porte –drapeau de l’Amicale des anciens du camp 113.

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André Segond découvre pour la première fois l’Indochine en 1949. Il a tout juste 19 ans. Après un premier séjour au sein du 23ème Régiment d’infanterie coloniale, il effectue un second séjour à partir d’août 52 dans les rangs du 2ème Bataillon Thaï.

Dans la nuit du 21 novembre 52, sa section en poste avancé est submergée par le VM. Capturé, André est torturé pendant 8 jours sans discontinuer, tandis que ses frères d’armes du bataillon Thaï sont tous exécutés.

Conséquence de ses deux tentatives d’évasion, il est transféré en février 53 au camp 113. A son tour, il fait la connaissance de l’odieux Boudarel qui lui promet une mort certaine mais une mort lente, en réponse à son refus de toute compromission. Peu lui importe, il préfère mourir dans l’honneur que de vivre dans le reniement.

Ce n’est que par un incroyable concours de circonstance que André finit par être libéré en décembre 53. Ayant échappé de peu à la mort, André Segond ne pèse plus que 37 kg à sa libération et doit rester hospitalisé presque une année pour enfin sortir définitivement de l’enfer.

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William Schilardi découvre l’Indochine le 26 avril 1952. Il a alors 19 ans. Affecté au 8ème Bataillon de Parachutistes Coloniaux au sein d’un commando composé exclusivement d’indochinois, il participe à toutes les opérations majeures de son bataillon. Le 21 novembre 53, son bataillon saute sur Dien Bien Phu et a rendez-vous avec l’histoire.

Pendant 6 mois, William participe à la plupart des reconnaissances offensives en dehors du camp, puis à partir de mars-avril 54, aux contre-attaques menées sur les différents points d’appui Dominique II, Eliane II et Huguette VI.

Blessé grièvement à la chute du camp retranché, il effectue sur sa seule jambe encore valide la longue marche de plusieurs centaines de km qui le conduit au camp 70.

Ce n’est qu’à l’entraide de ses frères de misère qu’il doit d’arriver à destination. Parti à 35 de Dien Bien Phu, il est l’un des 5 survivants de son groupe de marche.

Miraculeusement rescapé de l’enfer, William Schilardi est finalement libéré le 15 juillet 54, ne pesant plus que 42 kg.

Si cette tragédie a été pour lui un chemin de croix, elle a également été un révélateur. Comme il aime à le rappeler : « les épreuves et les combats dévoilent la nature humaine de chacun dans ce qu’elle a de bon ou de mauvais ! ».

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Pierre Flamen débarque pour la première fois en Indochine le 30 décembre 1948. Il a alors 19 ans. Après un premier séjour comme sergent au 1er Bataillon Thaï, il effectue un second séjour à partir de juillet 52 au sein du 6ème BPC (le bataillon Bigeard), à la tête d’une section de Vietnamiens.

Il effectue les 5 sauts opérationnels de son bataillon : Tu Lê, Na san, Langson, et Dien Bien Phu à deux reprises.

Lors de ce second saut qu’il sait être un aller sans retour, Pierre participe alors à l’écriture des pages les plus glorieuses mais aussi les plus dramatiques de son bataillon. A Dien Bien Phu, par deux fois, il contribue à la reprise de la colline charnier Eliane I. La deuxième fois, il est le seul chef de section rescapé.

Blessé le dernier jour de la bataille, il est capturé et rejoint le long cortège des prisonniers où les retardataires et les mourants sont irrémédiablement achevés.

A quatre reprises, il tente de s’évader sans succès. Il finit alors par partager le triste sort de ses frères d’armes indochinois.

Pratiquement mourant, pesant à peine 50 kg, il est finalement libéré le 20 septembre 54.

Ses qualités exceptionnelles de combattant et ses nombreux titres de guerre obtenus en Indochine, puis en Algérie lui valent d’être élevé à la dignité de Grand officier de la Légion d’honneur.

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Baptême “para” sur Dien Bien Phu : un aller simple pour l’enfer …

A partir du 15 avril 1954, alors que le sort de la bataille de Dien Bien Phu semble déjà dramatiquement scellé, 680 hommes non brevetés “para” (215 métropolitains, 30 Nord-Africains et 435 légionnaires) se portent volontaires pour sauter de nuit, en renfort de la garnison assiégée. 1100 autres candidats, faute de moyens aériens suffisants, ne pourront être largués.

Quel vertige a pu pousser ces hommes pour ce saut dans l’inconnu afin de mener un combat auprès de leurs camarades qu’ils savent pourtant être le dernier ?

Pierre Monjal (alias Pierre Coutand)* est l’un d’entre eux. Retour sur une décision emblématique …

En ce début des années 50, bien que la guerre soit terminée depuis déjà plusieurs années, la France peine à sortir du marasme économique dans lequel elle se trouve. C’est l’une des raisons qui pousse Pierre Monjal à s’engager dans l’armée, en ayant toutefois promis à sa mère de ne pas partir en Indochine où la guerre fait rage. La perspective d’échapper à une certaine routine, de voir du pays et de vivre de grandes aventures l’incitent le 2 juin 1953 à s’engager au 3ème Régiment d’Artillerie Coloniale. A peine a-t-il le temps de défiler sur les Champs Elysées en ce 14 juillet 1953 que la promesse faite à sa mère vole alors en éclats lorsqu’il est désigné pour l’Extrême-Orient mais quand on a à peine 20 ans …

Débarquant à Saïgon le 26 février 1954, il est impatient de rejoindre une unité combattante. Il doit néanmoins attendre la fin de sa formation au Centre d’Instruction de l’artillerie du Nord-Vietnam où il effectue un stage radio. Il y retrouve Alain Le Tallec, un Breton, engagé en même temps que lui au 3ème RAC. Alors que la bataille de Dien Bien Phu est engagée depuis un mois, une opportunité se présente : au rapport du soir du 13 avril, le sous-officier de service annonce que le commandement recherche des “volontaires toutes armes” pour y être parachuté, la situation sur place nécessitant des renforts en urgence.

Si Pierre ne connait pas exactement la réalité de la situation, il sent toutefois que le sort de l’Indochine se joue là-bas et, qu’en résumé, « c’est là-bas que ça se passe ! ». Les deux amis se regardent et échangent simultanément un « on y va ! ».

Après un tourbillon administratif et une instruction limitée à sa plus simple expression, les deux volontaires sont dirigés le 18 avril sur l’aérodrome de Gia Lam. Ne sachant pas s’équiper par eux-mêmes, ils laissent des mains expertes leur poser un parachute sur le dos et les harnacher correctement. Ultimes consignes, brefs encouragements, du courrier pour tout bagages, ils sont prêts !

Alors que les moteurs du Dakota tournent déjà et que Pierre s’apprête à embarquer, on lui demande quelle personne doit être prévenue en cas de décès … la situation sur place serait-elle plus grave qu’envisagée ? « Non ! … simple procédure administrative ! » Lui répond-on.

Après 2 heures de vol, le Dakota survole le camp retranché. Pour Pierre, il s’agit à la fois de son baptême de l’air et de son baptême para … Ironie de l’histoire, il se souvient qu’un an plus tôt il a été déclaré inapte para pour un problème de voute plantaire !

Bien que le vol se fasse de nuit, il y a tant de fusées éclairantes qu’il a l’impression d’être en plein jour. Soudain, la DCA Viêt-Minh se déchaine, le Dakota tangue et vibre de toutes parts. L’angoisse et la peur n’ont pas le temps de s’installer car tout s’accélère pour l’apprenti parachutiste : « Debout-accroché ! » … la claque du vent, une secousse et il se balance au bout de son parachute. Lui qui n’a encore jamais tiré un coup de feu en Indochine, le voilà brutalement projeté dans l’enfer de la bataille, au milieu du sifflement des balles et des explosions assourdissantes … Puis c’est le contact rugueux avec le sol, son parachute qu’il ne parvient pas à dégrafer, la découverte de son voisin de stick, dont il ne connait même pas le nom, empêtré dans les barbelés avec une balle en pleine tête … Enfin, des légionnaires arrivent, l’aident à se déséquiper et le conduisent au PC de la 2ème batterie du 4ème RAC.

Affecté sur la position Huguette, il devient alors le radio du lieutenant Lagarde, chargé de régler les tirs de la batterie. Au cours des derniers soubresauts de la garnison assiégée, Pierre obtient deux citations mettant en lumière son courage et son exemplarité au feu. Jusqu’au 7 mai, il partage le sort dramatique des défenseurs du camp retranché sous la pluie, dans la boue, parmi les blessés agonisant, les morts qui s’entassent et les hurlements des orgues de Staline.

Désormais captif, Pierre est intégré au convoi 41. En dépit de la fin des combats, la mort rôde toujours au cours de la longue marche qui le conduit vers la captivité où plus de la moitié des prisonniers meurent en chemin. Arrivé au camp 73, il y retrouve son ami Le Tallec qui, lui-aussi, a survécu à la bataille.

L’épuisement physique, l’isolement moral et la mort omniprésente finissent par asservir les volontés les plus solides et par neutraliser l’esprit critique le plus affûté.

Avec ses frères de misère, Pierre est ainsi soumis au poison de l’endoctrinement politique, louant la grande clémence de l’oncle Ho et les bienfaits du paradis marxiste. Toutefois, il en mesure vite les limites lorsqu’il ramasse au sol une petite banane à cochon, en privant ainsi le peuple vietnamien. Dénoncé par l’un de ses camarades de captivité, il doit faire son autocritique, reconnaissant le crime impardonnable qu’il vient de commettre et qui nécessite une sévère punition. Il est alors abonné à la corvée de riz, accompagné de son ami Le Tallec … qui finit par mourir d’épuisement sur le bord de la piste.

Arrivé depuis peu en Indochine et n’ayant connu que les derniers instants de Dien Bien Phu, Pierre a très certainement augmenté ses chances à ce jeu de hasard entre la vie et la mort … Une chance que n’a pas eu son ami Le Tallec, pauvre flamme soufflée dans la tempête. De cette période, Pierre a conservé le sentiment d’avoir davantage vécu parmi les morts que les vivants.

Rescapé de l’enfer, il est finalement libéré à Sam Son le 18 août 1954. Il débarque à Marseille le 29 septembre où toute sa famille l’attend sur le quai, au premier rang sa mère qui l’accueille d’une gifle pour ne pas avoir tenu sa promesse pour l’Indochine. Une gifle de maman qui traduit tout autant sa peur, ses angoisses et son amour pour un fils qu’elle croyait perdu. C’est à ce moment-là qu’il comprend sans doute l’insouciance de sa décision !

Volontaires pour être parachuté sans aucun entraînement préalable en pleine bataille, Pierre Monjal et ses camarades ont écrit une page légendaire et mythique de Dien Bien Phu. Une décision qui, en de pareilles circonstances, peut paraitre insouciante mais qui mérite tout autant le qualificatif d’héroïque : Un héros est celui qui fait quelque chose lorsque les autres ne font rien. Ils avaient le choix de ne rien faire, de profiter des plaisirs nocturnes d’Hanoï, ils choisirent finalement d’être parachutés de nuit, sans aucun entrainement préalable, sur un coin d’enfer … Respect !

Philippe CHASSERIAUD

Président de l’ANAPI Ile de France

  • Pour ses camarades de combat, puis de captivité, Pierre est connu sous l’identité de Pierre Coutand. Ce n’est qu’une fois en Algérie, à la suite d’une rectification administrative de l’état-civil, qu’il prendra l’identité qu’on lui connait aujourd’hui : Pierre Monjal

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Projet de monument ANAPI dédié aux prisonniers morts dans les camps du Viêt-minh (1945 -1954)

Eléments de contexte :

Le 21 juillet 1954, la guerre d’Indochine prenait fin. A l’issue de la libération des derniers
prisonniers aux mains du Viêt-Minh, le 15 octobre 1954, un macabre décompte
permettait de mesurer l’étendue de la tragédie qui s’est jouée dans les camps de
prisonniers : 40 879 prisonniers du corps expéditionnaire français (métropolitains,
légionnaires, africains, nord-africains et indochinois) et de l’armée vietnamienne
manquent à l’appel.

A l’occasion du 70ème anniversaire de la libération de ces rescapés des mouroirs du Viêt-
Minh, l’Association Nationale des Anciens Prisonniers Internés Déportés d’Indochine

(ANAPI) a souhaité la réalisation d’une stèle du souvenir dédiée à ces prisonniers,
disparus sans laisser de trace, dans la nuit sur des pistes sans fin, dans les camps de la
mort lente, sans espoir et dans un total dénuement … finalement effacés de notre
mémoire collective.

Choix de l’emplacement :
Souhaitant se délocaliser des lieux de commémoration habituels (Paris, Nogent sur
Marne), le bureau fédéral a lancé des prospections en direction de plusieurs
départements de l’Ile de France. Compte tenu des liens particuliers entretenus avec le
Conseil départemental et de l’ONACVG de l’Essonne, les recherches se sont plus
particulièrement portées sur les communes de ce département.
Ainsi la commune de Morsang sur Orge a été sollicitée et a acceptée d’accueillir notre
monument. Le choix de cette municipalité a notamment été motivé par le fait que l’un de

ses habitants, ancien combattant de la RC4, est le dernier rescapé des camps du Viêt-
Minh encore en vie en Essonne.

Morsang a mis à la disposition de l’ANAPI un emplacement situé au sein d’un parc arboré,
le parc Simone Veil.

Description du monument :
La forme générale du monument est celle d’une pagode à double toit en granit noir fin
premium.
Sa hauteur est de 2.00 m. Sa largeur est de 1.10 m sur 0.55 m de profondeur.

La stèle portera l’épitaphe (gravure or, à la main 5 cm) :

A LA MÉMOIRE DES PRISONNIERS DU VIÊT-MINH,
MÉTROPOLITAINS, LÉGIONNAIRES, AFRICAINS,
NORD-AFRICAINS ET INDOCHINOIS
MORTS EN CAPTIVITÉ ENTRE 1946 ET 1954

 

A l’arrière de la stèle, deux mats des couleurs (amovibles) permettront, lors des
cérémonies, de hisser le drapeau français et Vietnamien (années 50).

Financement :
La mise en œuvre de ce projet comportera deux phases :
– Phase 1 : réalisation et mise en place du monument (devis 11 000 euros). La date
de l’inauguration a été fixée au 05 octobre 2024.
– Phase 2 : aménagement de l’environnement immédiat du monument en jardin
exotique (sur une base de départ d’environ 10 000 euros, le design définitif
n’étant pas encore arrêté et sera réalisé au cours de l’année 2025).

Afin de pouvoir lancer au plus vite la réalisation de la phase 1 et ainsi permettre
l’inauguration du monument au plus près du 70ème anniversaire du 15 octobre 1954,
l’ANAPI a engagé sur ses finances propres la première partie des frais.
Aussi, un appel au don est lancé auprès des membres de l’ANAPI pour participer à cet
engagement financier, ainsi qu’auprès de toutes les personnes souhaitant soutenir
financièrement de ce projet.
A cet effet, vous pouvez adresser vos chèques libellés à l’ordre de : ANAPI, à l’adresse
suivante : ANAPI, 16/18 Place DUPLEIX, 75015 PARIS

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Giap Vo N’Guyen : – Dien Bien Phu

Le livre comprend trois grandes parties : la lettre du Président Hô Chi Minh au front de Diên Biên Phu ; Diên Biên Phu ; les articles sur Diên Biên Phu. En outre, le livre comporte une annexe qui présente des ordres quotidiens, des lettres, des ordres de mobilisation et d’attaque, des rapports et un calendrier des principaux événements de la campagne de Diên Biên Phu…

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DEROO Éric & DUTRONE Christophe – Le Viêt-Minh

L’alliance des communistes et nationalistes vietnamiens, sous le nom de Viêt-Minh, conduit à une lutte de libération qui s’achève par la bataille de Diên Biên Phu, ouvrant la voie à l’indépendance des anciennes colonies indochinoises de la France. L’histoire du mouvement et de ses luttes politiques et militaires est retracée, à l’aide de documents illustrant sa progression.

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BRUGE Roger – Les hommes de Dien Bien Phu

L’histoire au quotidien, vue du côté des hommes, de la bataille qui a sonné le glas de la présence française en Indochine.

En conciliant les méthodes du journalisme d’investigation et la rigueur de l’histoire, c’est une approche et une vision nouvelles de la dernière bataille livrée par l’armée française que nous offre Roger Bruge. En premier lieu, il a bénéficié de l’ouverture d’archives soumises à dérogation, celles de la Commission d’enquête sur la bataille de Dien Bien Phu. Ainsi, les auditions des grands témoins -Castries, Langlais, Lalande, Dechaux, Cogny, Navarre- révèlent-elles des comportements, des réactions, des jugements, des désaccords, des accusations ou des plaidoyers, des appréciations sur les causes de la défaite et même sur les possibilités de victoire non exploitées qui, du fait de la spontanéité obligatoire des réponses aux enquêteurs, sont d’un grand intérêt.
En second lieu, Roger Bruge s’est gardé de compiler des ouvrages existants. Soucieux de ressusciter le quotidien vécu par les hommes de Dien Bien Phu à tous les échelons, il s’est attaché à recueillir témoignages, correspondances, carnets de route -textes souvent poignants- pour reconstituer ce qui s’est réellement passé dans les points d’appui, dans les états-majors, dans les infirmeries et même dans les avions chargés des évacuations sanitaires et des parachutages. Et il n’oublie pas au lendemain de la chute du camp retranché le 7 mai 1954, au terme des 56 jours de siège, le calvaire des 2 000 blessés dont les Viets ne remettront que 858 à la Croix-Rouge tandis que les autres clopineront et mourront le long des pistes, en tentant de gagner à 600 km de là les camps de ” rééducation “.
Maquisard et interné résistant, engagé dans l’armée de Lattre, Roger Bruge a effectué deux séjours en Indochine avant de faire carrière dans le journalisme. Il publie à partir de 1958 ses premiers livres, notamment Histoire de la ligne Maginot (3 volumes), Les Combattants du 18 juin (5 volumes) et 1944 : le temps des massacres.

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