ANAPI

En mémoire de l’Adjudant EMMANUEL GUTIERREZ, prisonnier du VietMinh, mort en captivité : sa fille témoigne …

L’Adjudant GUTIERREZ à Saïgon, le 19 juillet 1953

« ADJUDANT GUTIERREZ EMMANUEL MLE 3216/39 PRISONNIER 8 MAI 1954 EST DECEDE CAPTIVITE JUIN/JUILLET 1954 D’APRES DECLARATIONS CAMARADES STOP. PREVENIR AVEC MENAGEMENTS (EPOUSE) MME GUTIERREZ, 63 AVENUE ALBERT 1er, ECKMULH. ORAN. PRESENTER CONDOLEANCES ».

C’est par ce télégramme laconique que la jeune Jeanne-Marie, alors âgée de 11 ans, apprend brutalement la mort de son père.

Ce témoignage bouleversant d’une enfant comprenant qu’elle ne reverra plus jamais son papa, nous rappelle le calvaire de nos prisonniers, morts dans l’indifférence générale, mais également la douleur incommensurable des familles ne parvenant pas à faire leur deuil.

Témoignage de Madame Jeanne-Marie CARAMANTE, née GUTIERREZ :

« Nous savions depuis quelques jours que la bataille de Dien Bien Phu était terminée.
Les points d’appui étaient tombés les uns après les autres. La chute du point d’appui “Isabelle” où se trouvait papa, le dernier à être pris par les Viêts, marquait le début de nos souffrances.

L’arrêt des combats nous apportait un certain sentiment de soulagement au début, mais bien vite effacé par l’angoisse sur son sort. La radio égrenait la longue liste des prisonniers des Viêts, capturés à l’issue de la bataille … et soudain, nous entendîmes : « … Adjudant Emmanuel Gutierrez, 3/10ème RAC ».

Le lendemain, c’était le jour de ma communion solennelle. C’était le 27 mai 1954. Mon papa était prisonnier. Ce fût une cérémonie empreinte de tristesse, de douleur et d’angoisse. Il n’y eu aucune fête à la maison, pas de dragées, pas de joie. Il n’était pas là.

Quel allait être son sort ?

Il était impératif qu’il puisse recevoir, dieu sait par quel moyen, un souvenir de la communion de sa fille. Maman me conduisit donc chez le photographe du quartier qui s’attendrissait sur notre malheur et partageait notre angoisse. Maman était muette. Prostrée.

Cette photo représentait en quelque sorte un appel, un espoir. Elle fut expédiée vers la boîte postale des armées dans l’incertitude qu’elle parvienne à son destinataire.

De longs jours et semaines se succédèrent dans l’attente d’une bonne nouvelle, dans l’espoir d’une libération.

Puis ce fût le jour noir, le jour fatal du 8 septembre 1954.

Ce jour-là, nous reçûmes la visite de mon oncle Gaston, accompagné d’un voisin et d’un gendarme qui n’osait pas se présenter seul. Il tortillait dans ses mains un papier et nous annonça que papa était blessé, mentant difficilement car ma grand-mère était chez nous à ce moment.

Mais la vérité tomba comme un couperet. Nous comprenions que notre destin nous frappait impitoyablement. Ma grand-mère eut un malaise. Le malheur s’était abattu sur notre famille.
Papa était mort.

Je revois maman, très maigre, un long crêpe noir accroché à son chapeau de feutre tombant sur ses épaules fragiles. Maman et grand-mère portèrent le deuil durant cinq longues années.

La vie pour ma mère n’avait plus aucun goût mais elle avait trois enfants à élever : moi-même, onze ans, mes frères Guy et Pierre, neuf ans et quatre ans, qui, trop jeunes, ne mesuraient pas la tragédie qui nous frappait.

Il fallait alors, malgré mes onze ans que je prenne des responsabilités au sein de notre petite famille.
Papa ne reçut jamais la photo de ma communion. Elle nous fût retournée avec son paquetage militaire resté à Saïgon.

Ce n’est que bien des années plus tard que j’ai entrepris, avec l’aide de mon mari, des recherches, recueilli des témoignages émouvants sur la mort de papa, car nous n’avons jamais vu son corps qui doit reposer dans la jungle indochinoise.

Grâce aux associations d’Anciens Combattants, je sais que papa, prisonnier des Viêts a subi une longue marche mortelle vers les camps, dans des conditions inhumaines, conduit avec ses camarades par des tortionnaires dont les représentants s’affichaient au même moment, dans les ministères, reçus avec courtoisie et respect, sans honte par la France.

Papa est mort d’épuisement et de dysenterie dans des souffrances physiques et morales que m’ont décrites des survivants.

Il ne pesait plus que trente-cinq kilos selon des témoins mais il est mort debout, lui, le soldat qui avait activement participé quelques années auparavant à la libération de la France après avoir rejoint la 2ème Division Blindée du Général Leclerc en Angleterre.

Il comptait parmi les premiers éléments blindés à pénétrer dans Paris. Il participa ensuite à la libération de Saverne près de Strasbourg avant d’être blessé et envoyé à l’hôpital du Val de Grâce pour y être soigné.

Il était fier d’avoir accompli son devoir.

Il a donc fini sa vie, à trente-cinq ans, en pleine jungle, seul, ayant quitté la colonne, pendant que les petits fours et le champagne concluaient les réunions des responsables de ce drame se faisant des courbettes à Genève.

Les témoignages de quelques rares compagnons l’ayant suivi jusqu’à la fin m’ont permis, après des décennies et une psychothérapie de faire mon deuil de papa.

Son nom, inscrit sur le mur du Souvenir du Mémorial des Anciens d’Indochine de Fréjus me réconforte.

Je m’y recueille de temps en temps en y déposant une petite fleur.

Le contenu du télégramme que tenait à la main mon oncle Gaston, ce 8 septembre 1954, restera à jamais gravé dans ma mémoire ».

 

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Avis de recherche : ” FANION du COMMANDO 24 ” Vandenberghe

Le colonel (h) Tran Dinh Vy, dernier survivant du commando 24 et gardien de la mémoire de cette unité, recherche depuis plusieurs années le fanion du commando qu’il considère à juste titre comme une  relique. Le but de cette recherche est de transmettre ce souvenir historique au sein du Musée de  l’Armée, ou de celui des toupes de Marine par exemple.  

Description du fanion :  

Sur l’avers, l’ancre de marine de la Coloniale surmontée de l’inscription Commando 24 en arc de  cercle. L’adjudant-chef Vandenberghe et le sergent-chef Tran Dinh Vy étaient en effet tous deux issus du 6e Régiment d’Infanterie Coloniale. 

Sur le revers aux couleurs rouge et bleu de l’infanterie, il porte les inscriptions suivantes : la devise du commando : « Khong Biet-So, Khong Cam-Thinh” (sans peur, sans pitié) et les noms de lieux des raids, embuscades ou batailles où le commando s’est particulièrement illustré, de Ha Dong  à Ninh Binh.  

Le fanion porte en son centre trois impacts de balles, stigmates de la tragique nuit du 05 au 6 janvier  1952, où l’adjudant-chef Roger Vanderberghe a été assassiné pendant son sommeil ainsi que nombre  de ses plus fidèles partisans. 

Le sergent-chef Tran Dinh Vy était miraculeusement parti cette nuit-là en opération à Thai Binh,  échapant ainsi au sort qui lui était réservé au même titre que ses compagnons. Après l’assassinat de  Vandenberghe, il conservera précieusement le fanion et, au départ du Général Gambiez pour la France,  il décida de le lui confier, estimant qu’il sera mieux protégé en France, à l’abri dans un musée. 

À son arrivée en France en 1976, le colonel Tran Dinh Vy a repris contact avec le général Gambiez et lui  pose la question de savoir où le fanion a été conservé. Celui-ci, pensant l’avoir gardé dans son bureau  au SHAT, ne le trouve pas. Il promet de faire les recherches nécessaires. Finalement, le fanion a  disparu…. au grand regret de Tran Dinh Vy ! 

N’hésitez pas à partager cet avis de recherche au sein d’associations d’anciens combattants ou auprès  de vos relations. Des recherches sont en cours depuis quelques mois auprès de différents institutions  militaires mais sans résultat à ce jour. 

Le colonel (h) Tran Dinh Vy vous remercie par avance pour l’aide que vous pourrez lui apporter afin de  retrouver la trace de ce fanion. 

Contact : fanion.commando24@gmail.com

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Cérémonie départementale d’hommage aux héros de la gendarmerie à Bourges le 17/02/2025

Par le Docteur Olivier MICHEL, Président ANAPI CENTRE

Le colonel Caussanel, commandant le groupement de gendarmerie du Cher, le général Santoni, commandant les Ecoles Militaires de Bourges et Arthur Santoni, porte-drapeau ANAPI

Le 17 février 2025 s’est tenue à Bourges la traditionnelle cérémonie d’hommage aux héros de la gendarmerie, sous la présidence de M. Franck Moinardeau, directeur de cabinet du Préfet du Cher, en présence de nombreuses personnalités civiles (sénateur, député, maire de Bourges) et militaires, dont le général Santoni, commandant les Ecoles Militaires de Bourges et le colonel Caussanel, commandant le groupement de gendarmerie du Cher. Ce dernier était accompagné de plusieurs détachements issus de toutes les compagnies de gendarmerie du département. A cette occasion, les noms des 13 gendarmes décédés en service en 2024 ont été cités et six gendarmes ont été distingués pour leur courage et leur engagement.

Le président de l’ANAPI CENTRE et ses deux porte-drapeaux étaient bien évidemment présents lors de cette cérémonie particulièrement émouvante, témoignant, si besoin était, de l’action héroïque des gendarmes à la tête de petits postes isolés en Indochine, mais aussi de leur abnégation non moins héroïque pendant la bataille de Dien Bien Phu, oubliant un temps leurs fonctions prévôtales au profit de missions combattantes, avant de connaitre la tragédie de la captivité avec leurs frères d’arme.

Pour le président, M. Olivier Michel, cette cérémonie avait également une charge émotionnelle particulière et personnelle. Comment en effet ne pas penser à son père, lui-même prisonnier des Japonais, témoin de la mort héroïque du capitaine de gendarmerie Jean d’Hers alors qu’il tentait de retarder l’avancée japonaise dans le delta du Mékong à la suite du coup de force du 8 mars 1945. Compagnon de la Libération, le capitaine d’Hers a donné son nom à une promotion d’officiers de la gendarmerie.

Au premier plan, le Docteur Olivier Michel, président ANAPI Centre
Les autorités remerciant les porte-drapeaux

Cette cérémonie a également été pour l’ANAPI l’occasion d’illustrer symboliquement la transmission intergénérationnelle du devoir de mémoire par la présence côte à côte de nos deux porte-drapeaux, l’un étant le doyen des porte-drapeaux du Cher, André Houzet, 93 ans, ancien d’Indochine, l’autre un jeune collégien, Arthur Santoni, 15 ans (lui-même arrière-petit-fils d’un prisonnier des Japonais), tout juste diplômé de la nouvelle formation de porte-drapeaux mise en place à Bourges.

Arthur Santoni et André Ouzet, drapeaux ANAPI CENTRE et ANAPI

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Geneviève Dop, itinéraire d’une femme de prisonnier (1950-1954) …

par Philippe CHASSERIAUD, président IdF ANAPI

Si les effroyables conditions de vie des prisonniers du Viet-Minh ont fait l’objet de nombreux ouvrages, il existe peu de témoignages sur la manière dont cette captivité a été vécue par les familles en métropole, notamment par les épouses, face à une administration souvent inadaptée à des situations jusque-là inédites.

Les courriers de l’administration et les 12 lettres que le lieutenant Jacques Dop a fait parvenir à sa jeune épouse pendant ses 4 années de captivité au camp nr. 1 reflètent les innombrables vicissitudes administratives auxquelles elle a été confrontée, mais aussi ses angoisses et ses inévitables interrogations. Cette situation, vécue par tant de femmes de prisonniers, a néanmoins trouvé une issue heureuse, contrairement à de nombreuses familles.

Jacques Dop est un jeune officier qui a vécu les derniers soubresauts de la seconde guerre mondiale dans la Résistance. Engagé pour la durée de la guerre, décoré de la croix de guerre 1939-1945, il est remarqué par ses chefs qui l’envoient suivre successivement le stage de formation des sous-officiers, puis celui des officiers.

Tout juste promu lieutenant d’active le 10 juin 1949, Jacques Dop épouse Geneviève de Gaullier des Bordes le 27 juin 1949 à Bordeaux.

Son caractère aventureux le pousse vers des unités dont l’emploi spécifique en Indochine est tout à fait innovant : les parachutistes … qui plus est ceux de la Légion étrangère.

Début avril 1949, Il est tout d’abord envoyé à Sétif en Algérie au sein du 3ème Bataillon Etranger de Parachutistes (BEP) qui forme les compagnies de relève pour les 1er et 2ème BEP, déjà projetés en Extrême-Orient.

Le Lieutenant DOP à Philippeville en 1950, peu avant son départ pour l’Indochine

Profitant de liens familiaux en Algérie et bien que cela ne soit pas autorisé, Geneviève le rejoint sur place.

Le départ pour l’Indochine finit par sonner le 10 août 1950. Le couple se sépare pour la première fois avec tristesse mais avec néanmoins l’heureuse perspective d’une naissance à venir dans quelques mois. Geneviève regagne alors Bordeaux où se trouve le domicile de ses parents.

Un mois plus tard, le 9 septembre 1950, Jacques Dop débarque à Saïgon et découvre l’Indochine. A peine arrivé, il participe à des opérations de police dans le delta tonkinois. Toutefois, les évènements se précipitant sur la RC4, sa compagnie est mise en alerte et est parachutée le 8 octobre 1950 avec le 3ème Bataillon Colonial de Commandos Parachutistes.

(BCCP) pour venir au secours de 9 bataillons qui connaissent de sérieuses difficultés après les replis de Cao Bang et Dong Khé.

Un terrain inapproprié et des combats d’une violence jusqu’alors inconnue en Indochine entrainent rapidement la mise hors de combat de plus de 2/3 des effectifs. Après 6 jours et 6 nuits d’une marche harassante, désormais à court de vivres et de munitions, l’unité du Lieutenant Dop est totalement encerclée. L’ordre est alors donné de constituer des petits éléments mieux à même, à la faveur de la nuit, de s’infiltrer et passer les lignes ennemies. C’est en tentant de rompre cet encerclement que le lieutenant Dop est capturé dans les environs de That Khé … à peine un peu plus d’un mois après son arrivée en Indochine … Ce 14 octobre 1950 marque le début d’un long calvaire qui ne s’achèvera que 4 ans plus tard.

Geneviève apprend par les journaux le désastre de la RC 4 mais ne peut encore imaginer l’ampleur de la tragédie qui s’est jouée dans les calcaires de Co Xa et où la quasi-totalité du bataillon de Jacques a été engloutie. Où est-il ? Comment va-t-il ? Est-il en toujours en vie ? Des questions simples qui ne trouvent pour l’heure aucune réponse … Commence alors une insoutenable attente ! … les jours, puis les semaines passent … toujours aucune nouvelle !

Forte de son expérience passée, dès la fin du mois d’octobre 1950, la Croix rouge française adresse un message aux familles des disparus, indiquant qu’elle est en mesure, soit de transmettre un colis qu’elles pourront confectionner elles-mêmes (limité à 3 kg et à raison d’un par mois), soit de faire parvenir au prisonnier un colis-type contre l’envoi d’une certaine somme d’argent (1). Bien entendu, la CRF précise qu’elle ne peut accepter ces fonds que « dans la mesure où la famille a l’assurance que le militaire est bien prisonnier » ! C’est justement là que le bât blesse puisque la CRF n’est en mesure d’établir aucune liste.

Si l’afflux de prisonniers (2), aussi inattendu que massif, oblige le Viêt-Minh à reconsidérer sa gestion des prisonniers, entrevoyant désormais tous les avantages qu’il peut en tirer au travers d’une rééducation idéologique, il révèle, côté français, l’inadaptation des procédures habituelles, face à un adversaire qui refuse d’appliquer les conventions de Genève et voit dans toute médiation de la Croix rouge une “entreprise masquée des services de renseignement capitalistes”.

Ainsi, début décembre, rapidement débordé par l’afflux de colis, le Service Social des Forces Françaises du Vietnam Nord et de la Zone Opérationnelle du Tonkin informe les familles qu’il n’est pas en mesure de les distribuer, « aucune entente n’étant intervenue jusqu’à ce jour entre la CRF et la Croix rouge du parti adverse ».

La sidération initiale de Geneviève a rapidement laissé la place aux interrogations et aux angoisses journalières, suivies de nuits blanches interminables où Jacques est omniprésent. A peine réveillée, Geneviève doit cloisonner son esprit, au risque de ne plus avancer, submergée et paralysée par l’incertitude du lendemain. Elle doit réagir, prendre les problèmes un par un mais aussi, étant enceinte, se focaliser sur l’arrivée prochaine d’un enfant. Son courage et son abnégation ne peuvent être qu’à la hauteur de ceux de son mari, là où il se trouve !

Geneviève ne tarde pas à mettre en pratique ses bonnes résolutions, s’engageant sans tarder dans un combat de longue haleine face à une administration tatillonne, bureaucratique … et souvent inopérante.

Comme tout partant pour l’Indochine, Jacques a souscrit au bénéfice de son épouse une délégation volontaire de solde (3) lui permettant de subvenir à ses besoins et, dans le cas présent, de préparer dans les meilleures conditions l’arrivée de leur premier enfant.

Pour continuer à en bénéficier, Geneviève doit désormais clarifier au plus vite la position de son mari “disparu” auprès de l’administration. Or, seul le Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre, se basant sur des renseignements venant d’Indochine, est habilité à fixer la position d’un militaire, à savoir “disparu, présumé tué” ou “disparu, présumé prisonnier”.

Sans tarder, Geneviève rassemble toutes les pièces nécessaires à l’établissement d’un “dossier de pension d’épouse de disparu” qui lui permet, une fois celui-ci agréé, de percevoir, pendant 3 mois, la solde complète puis, chaque mois, une délégation d’office, égale à la pension de veuve (4) jusqu’à ce que la position du mari soit officialisée (tué ou prisonnier). Dès lors que la situation de prisonnier est attestée, elle peut à nouveau percevoir la délégation volontaire de solde souscrite initialement par son mari.

Toutefois, l’établissement puis l’agrément du dossier nécessitant un certain délai, les épouses bénéficient d’office pendant les 3 premiers mois, à la date du dépôt de la demande, de la délégation volontaire de solde … ensuite plus rien jusqu’à l’agrément du dossier !

Le 11 décembre 1950 arrive enfin de l’Etat-Major, via la CRF, une petite lueur d’espoir : le témoignage d’un blessé, rendu par le Viêt-Minh et évacué par la Croix Rouge qui dit avoir vu Jacques, prisonnier du Viet-Minh … mais en vie !

Enfin, le 20 décembre 1950, le cabinet du maire de Bordeaux est destinataire d’un télégramme laconique du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre demandant d’annoncer =avec ménagement= à Madame Geneviève Dop, que son mari, le lieutenant Jacques Dop est déclaré “porté disparu, présumé prisonnier” à la date du 15 octobre 1950.

Ne pouvant envisager d’autre option que celle de la captivité, Geneviève s’empresse donc d’effectuer les démarches administratives. Quelle n’est pas sa surprise, lorsqu’elle reçoit le 7 février 1951 une réponse des services de l’Intendance de la France d’Outre-mer lui annonçant qu’aucune pension ne peut lui être accordée avant un an de disparition effective de son mari !!!

Toutefois, après des mois d’une attente insupportable, Geneviève reçoit enfin les 3 premières lettres de son mari. Au-delà de l’énorme soulagement de le savoir en vie, elle apporte à l’administration une preuve incontestable de l’état de prisonnier de son mari.

Il lui faut néanmoins attendre le 16 avril 1951 pour qu’un télégramme du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre annonce que le lieutenant Jacques Dop du 1er BEP, porté disparu le 15 octobre 1950 à That Khé (Tonkin) est officiellement déclaré prisonnier.

La première lettre de Jacques, datée du 19 octobre, bien que courte, se veut rassurante. Allant à l’essentiel, il indique qu’il est prisonnier depuis le 14, mais qu’il n’y a pas d’inquiétudes à avoir, « les Viets sont très corrects » (sic). Au passage, quelques conseils pour percevoir la délégation de solde, un contact à prendre avec le capitaine Raffali pour récupérer ses affaires restées à Hanoï … et puis en conclusion « garde espoir et confiance ».

La seconde lettre est datée du 3 janvier 1951 marque son premier Noël de prisonnier. Les voeux qu’ils forment pour cette nouvelle année sont simplement d’avoir un beau bébé et de revoir sa femme. Pour Noël, Jacques lui fait part du bonheur qu’il a eu de recevoir une lettre datée du 25 octobre, la première ! … un échange de lettres, même sporadique, est donc possible. Un infime réconfort sur lequel il est possible de s’accrocher pour tenir. Le moral de Jacques semble bon, allant jusqu’à faire de l’humour en soulignant que sa dextérité à manger désormais avec des baguettes lui permettra à son retour d’apprendre à son enfant à faire de même pour manger sa bouillie !

La troisième lettre, datée du 28 février 1951, a été écrite à l’occasion de la fête du Têt. Jacques sait qu’en théorie son enfant est né mais n’a toujours aucune nouvelle de cette naissance … L’accouchement s’est-il bien passé ? Est-ce une fille ou d’un garçon (5) ? Il précise néanmoins que sa santé et son moral sont bons.

Pour Geneviève commence alors l’attente insoutenable, interminable d’une nouvelle lettre. Ce silence inexplicable est propice aux hypothèses les plus sombres même si elle arrive à se convaincre, de temps à autre, que la distribution du courrier demeure très aléatoire à 12 000 km de la métropole. Quatre mois sont généralement nécessaires à l’acheminement d’une lettre. D’ailleurs, Jacques n’a-t-il pas expressément demandé de passer par Prague plutôt que par la Croix rouge qui est inefficace ? Une lettre finit enfin par arriver, datée du 13 mars 1952, soit écrite plus d’un an après la dernière reçue. Après de brèves informations d’ambiance insistant sur le fait que tout va bien, « une vie saine, au grand air, sans barbelé, en parfaite entente avec les gardiens », Jacques, étrangement, ne lui demande aucune nouvelle de Dominique dont il connait pourtant désormais l’existence … mais de Wang, le chien et du rapatriement de sa cantine militaire !

Geneviève s’interroge également sur les références récurrentes au Lieutenant G (6) avec lequel Jacques n’avait pas vraiment d’affinité, puis de sa récente libération dont il entend « suivre l’exemple » ? Enfin, pourquoi suggérer à son épouse, si elle le souhaite de s’inscrire à l’Action Catholique Ouvrière (7) ?

Geneviève prend véritablement conscience des conditions de vie de son mari et de la tragédie qui se joue au camp n°1 lorsqu’un camarade de captivité (8), libéré le 10 août 1952, lui rend visite. Il lui raconte alors le quotidien des prisonniers, les simulacres d’exécution, l’absence d’hygiène, les morts (9) et le jeu malsain qu’il faut jouer avec le Viêt-Minh pour donner des gages de son “engagement en faveur de la Paix”, seul espoir de voir un jour son nom inscrit sur une liste des

prisonniers libérables. Geneviève comprend désormais ce que les lettres de Jacques ne pouvaient pas lui dire ouvertement et la nécessité de lire entre les lignes.

La lettre suivante de Jacques est datée du 1er janvier 1953. C’est son troisième Noël de captivité. Après deux premiers convois de libérables, aucune libération n’a eu lieu pour Noël 1952 … et plus aucun convoi n’est annoncé ! Son moral s’en ressent et chaque phrase de sa lettre est empreinte d’une profonde et déchirante détresse : « … on nous a recommandé d’oublier nos familles, de nous considérer comme veufs mais c’est tout de même difficile. Enfin de ton côté, tache de m’oublier, profite de ta jeunesse et lutte pour la Paix… J’espère que notre petit Dominique aura un parrain qui saura remplacer son papa dans son éducation. J’aurais aimé connaitre ses amies mais la vie en a décidé autrement. Pour moi, toute joie est morte. Nous vivons déjà loin du monde des vivants avec la seule consolation de pouvoir lutter pour la Paix. A ce sujet, j’ai pensé à Olivier qui est certainement bien placé pour te conseiller ». Olivier ??? …Olivier n’est autre que leur neveu qui, à l’époque, n’a que 2 ans !!! …Il est donc particulièrement bien placé pour lui prodiguer des conseils.

Geneviève mesure alors pleinement la signification de ce subterfuge et se rappelle du chantage malsain que subissent les prisonniers dans les camps.

Elle comprend qu’elle doit, elle aussi, dans chaque lettre (que le Viêt-Minh ne maquera de lire avant d’être distribuée) faire écho aux propos de Jacques, montrer des gages de son adhésion au camp de la Paix (10), montrer que le “camarade Dop” est sur la bonne voie et que ses propos portent ! Tout est bon pour accélérer la libération de Jacques, d’autant plus que tout est faux … seul le résultat compte !

Geneviève a conscience que le jeu de dupes auquel elle participe à partir de la France est bien plus simple et moins risqué (11) que celui que Jacques doit mener sur place (12). Capturé alors qu’il venait à peine d’arriver en Indochine, ses autocritiques en tant que “criminel de guerre” ne pouvaient être qu’anecdotiques (13)!

L’effroyable réalité du quotidien d’un prisonnier limite singulièrement ses options pour survivre, notamment lorsqu’aucun salut n’est à attendre des responsables militaires et politiques de son pays. Il faut alors savoir se “mouiller” personnellement, sans impliquer les camarades, accepter de se salir un peu pour survivre et attendre que son nom figure enfin sur une liste de libérables. Y avait-il véritablement, honnêtement d’autres choix ?

Après la précédente phase dépressive de Jacques qui fait craindre le pire à Geneviève, la lecture de la lettre suivante, datée du 7 mars 1953, est un véritable soulagement : Jacques a repris courage, retrouvé son moral et son ton ironique, évoquant le retour de l’ancien chef du camp (14),

loué pour ses qualités et les activités au grand air, propices à une bonne santé … S’en suit à nouveau une longue diatribe contre la guerre en Indochine, la manifestation de son engagement pour la paix mondiale et pour Geneviève, une exhortation à suivre son exemple. Une nouvelle fois, les judicieux conseils à prendre auprès d’Olivier sont mis en avant … Tout est dit !

Les lettres suivantes semblent être toutes écrites sur un même modèle stéréotypé : « Nous bénéficions de la clémence du président Ho Chi Minh / Nous sommes bien traités / La France mène une guerre colonialiste criminelle et injuste / Il faut lutter par tous les moyens contre cette sale guerre … en rejoignant un mouvement, en soutenant par les votes les partis démocratiques français qui lutte pour la Paix mondiale »… avec toujours des petits éléments, ça et là, qui viennent rappeler, si cela était encore nécessaire, que son rédacteur est sous contrainte.

L’ouverture de la conférence de Genève, le 26 avril 1954, constitue pour Geneviève une nouvelle raison d’espérer avec la perspective raisonnable d’un règlement rapide du conflit … Viendra alors la fin des combats … puis la Paix … et enfin la libération des prisonniers ! Les dernières lettres de Jacques témoignent toujours de sa bonne santé et d’un bon moral. Il doit désormais tenir encore un jour, encore une semaine, encore un mois, ne pas sombrer si près du but ! Tout semble devoir se jouer à Dien Bien Phu. C’est désormais, une question de temps !

Dans sa lettre du 18 mai, Jacques ne mentionne pas la défaite de Dien Bien Phu (15)qui va très vraisemblablement hâter la fin de la guerre ? Il précise simplement qu’il va bien et rien ne compte plus pour Geneviève que cette merveilleuse nouvelle. Jacques ajoute laconiquement qu’« ici la vie continue … ».

La lettre de Jacques du 1er juin 1954 indique néanmoins que « la conférence de Genève a l’air d’évoluer dans un sens favorable. C’est une grande victoire du camp de la Paix mais ne nous laissons pas aller à un optimisme déraisonné, restons vigilants. Peut-être que dans un avenir plus ou moins proche notre famille sera réunie ? ».

Pour Geneviève, il est clair désormais que Jacques, lui-aussi, a visiblement compris que l’issue est proche. Son état d’esprit est rassurant et va lui permettre de tenir, de s’accrocher et d’attendre une libération qui, au fil du temps, était devenue impensable.

Avec la signature des accords de Genève, le 21 juillet 1954, Geneviève s’est faite à l’idée que la libération des prisonniers n’était plus désormais qu’une question de temps. Tenir ! Tenir encore un peu, surtout ne pas flancher si près du but !

Dans sa dernière lettre de prisonnier, datée du 1er juillet 1954, Jacques indique qu’il va bien mais surtout s’abstient pour la première fois de toutes mentions politiques. Il se laisse même aller à évoquer l’arrivée de nouveaux prisonniers qui lui ont montré des photos de voitures nouvellement sorties dont l’esthétisme lui plait beaucoup !

En parallèle des discussions menées à Genève, une commission militaire (16) s’est réunie dans le camp de Trung Gia (17)  afin de discuter des modalités d’application des accords, notamment celles

concernant l’échange des prisonniers. Commence alors la libération des premiers convois avec l’annonce préalable, sur les ondes de la radio française, des noms de chaque prisonnier libéré.
Il n’y a plus une seconde à perdre et l’effervescence gagne toute la famille, chacun organisant ses activités afin de pouvoir assurer une écoute permanente de la radio…

Après 4 années interminables sonne enfin l’heure de la liberté pour Jacques dont le nom vient d’être cité à la radio. C’est aussi celle de la délivrance pour Geneviève, libérée à son tour de ses angoisses et de ses cauchemars au cours desquels une issue dramatique avait si souvent été redoutée.

Toutefois, le soulagement et l’euphorie de Geneviève s’estompent brusquement après que la presse ait évoqué l’effroyable état physique de certains prisonniers, mourant d’épuisement à peine libérés.

Première photo du lieutenant DOP après sa libération du camp n°1 en septembre 1954

Fort heureusement pour Jacques, bien qu’il soit épuisé physiquement et vieilli prématurément, il a eu la chance, en dehors de quelques crises de paludisme, de n’avoir jamais été victime de dysenterie (18)  pendant toute la durée de sa captivité.

La lettre datée du 3 septembre 1954 marque véritablement pour Geneviève l’épilogue de cette tragédie. Jacques lui fait alors partager l’ivresse de sa liberté retrouvée mais aussi la réalité de l’enfer qu’il a vécu au quotidien. Il va devoir désormais retrouver sa place et plus que jamais s’acclimater progressivement à une “vie ordinaire”, celle à laquelle il avait tant rêvé en captivité :

« Libre. Ouf !!! Que te dire, par où commencer ? Je t’embrasse mille et mille fois et serre bien fort Dominique sur mon coeur. Oui, depuis hier 2 septembre 5h00 de l’après-midi, heures locales où j’ai mis les pieds sur un bateau battant pavillon français, j’étais libre, libre. C’est inouï, incroyable, je ne réalise du reste que très difficilement la première fois que je revoyais le drapeau français … j’ai pris mon premier repas européen et j’ai dormi dans un lit fort heureusement très dur … Mon premier plaisir est de t’écrire, t’écrire en pouvant parler, parler de tout librement sans avoir besoin de glisser la phrase “dans la ligne”. Non, le plus épouvantable ce fut cette politique, cette propagande, ce chantage éhonté. Ce régime est épouvantable, c’est un danger effrayant. Les Viets sont des gens abominables, faux, menteurs, sadiques. Je n’étais pas communiste, tu le sais, mais je ne savais pas exactement pourquoi. Maintenant je le sais… C’est maintenant du passé, je renais à la vie. L’avenir est à nous, ce n’est plus un rêve… Je renais à la vie mais je ne réalise pas encore pleinement… ».

Jacques et Geneviève doivent encore patienter quelques semaines avant de se retrouver. Après un bref séjour à l’hôpital Lanessan à Hanoï puis une convalescence de 15 jours à Dalat, Jacques est finalement rapatrié par avion vers la métropole.

Il arrive au Bourget le 25 septembre 1954 et peut alors, après 3 ans et 8 mois d’attente, serrer enfin dans ses bras pour la premier fois son fils Dominique.

Dominique, tel que le découvre son père à son retour de captivité en 1954. Son premier cadeau : une voiture de course rouge

Geneviève Dop nous a quitté le 18 octobre 2024 à l’âge de 96 ans. A quelques semaines près, elle n’a malheureusement pas pu prendre connaissance de cet article qui lui était dédié, ainsi qu’à toutes les épouses de prisonniers. C’est grâce à la confiance de ses enfants et aux précisions qu’ils ont bien voulu m’apporter que cet article a pu finalement voir le jour, permettant ainsi de rendre hommage ces épouses dont le comportement exemplaire n’a eu d’égal que celui de leur mari captif.

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1/ 2.600 francs (anciens), soit 26 NF

2/ Environ 2500

3/ 23.939 francs (anciens) sur une solde mensuelle de 106.000 francs.

4/ 16.730 francs (anciens) par mois

5/ Dominique, premier fils de Jacques et Geneviève, est né le 19 janvier 1951. Jacques n’est informé de sa naissance qu’à l’arrivé d’un nouveau prisonnier qui connait sa famille. Il doit cependant attendre novembre 1951 pour recevoir les premières photos de son fils.

6/ Catalogué comme “rouge”, le lieutenant G s’est compromis avec le Viet-Minh, bénéficiant d’une libération rapide. Par association, Jacques tente de démontrer son engagement progressiste au commissaire politique du camp qui n’aura pas manqué de lire sa lettre avant de la faire suivre … ou non.

7/ Même si elle se veut ouverte en regroupant de manière équilibrée dans ses engagements toutes les tendances (associatives, syndicales et politiques), l’ACO tend à un engagement ouvrier très fort avec des militants du PCF et de la CGT.

8/ Le Lieutenant Xavier de Villeneuve

9/ 18 morts d’octobre 1950 à février 1952

10/ Formuler par exemple le souhait de voir la France libérée des Américains

11/ Elle sera néanmoins contactée par une femme de prisonnier lui proposant de rejoindre un comité militant pour le retour du C.E.F.E.O en métropole

12/ Le capitaine Cazaux, ex-commandant du 3ème BCCP, figure morale du camp n°1, s’opposa de son vivant à toute compromission avec le Viêt-Minh. Sur le point de mourir (dcd le 09/10/1951), prenant ses responsabilités, il dicta son testament militaire, demandant instamment aux prisonniers de signer désormais les manifestes, pour survivre et témoigner.

13/ Concernant le lieutenant Dop : « il eut le malheur d’écrire qu’il avait été pris au cours d’un ” combat loyal”. Quelle horreur ! Des soldats à la solde de colonialistes ne pourraient jamais faire preuve de loyauté au cours d’un combat. Il dut faire une sévère autocritique » Alexandre Le Merre, “La clémence de l’oncle Ho, un mensonge meurtrier ” (p.106).

14/ Ky Thu

15/ Jacques fait relire ses lettres au lieutenant Beucler, responsable du “Comité de Paix et de Rapatriement”. Ayant saisi la psychologie viêt-minh, sa relecture permet bien souvent aux lettres de franchir la censure, demandant notamment à Jacques d’être plus consensuel dans ses écrits !

16/ Composée d’une délégation franco-vietnamienne et d’une délégation de l’Armée Populaire du Viêtnam (viêt-minh)

17/ 40 km au nord de Hanoï.

18/ Cause principale de mortalité en captivité

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Geneviève Dop, itinéraire d’une femme de prisonnier (1950-1954) … Lire la suite »

Tous nos prisonniers en Indochine ont-ils bien été libérés en 1954 ? Autopsie d’un doute …

Par Philippe CHASSERIAUD, président IdF ANAPI

Un monument dédié aux prisonniers du Viet-Minh, civils et militaires, morts en captivité entre 1946 et 1954 a été inauguré à Morsang/Orge (91) le 5 octobre 2024. La conception et la conduite de ce projet mémoriel m’ont plongé dans de studieuses recherches, m’amenant au recensement de chiffres vertigineux. Ces derniers m’ont alors conduit à m’interroger sur d’autres hypothèses face à une telle hécatombe et une interrogation de taille : Tous nos prisonniers en Indochine ont-ils bien été libérés en 1954 ?

Au milieu des années 80, de nombreux films américains ont abordé le sujet des “POWs/MIAs” (Prisoners of War/Missing in action). Le scénario est alors immuable, de Missing in action 1 et 2 à Rambo II, des commandos américains partent en Asie du Sud-Est récupérer les boys toujours captifs dans les camps de prisonniers du Viêt-Cong. Cette question semble avoir longtemps préoccupée l’opinion publique américaine puisqu’en avril 1990, un sondage du magazine Time révélait que 62 % des personnes interrogées estimaient qu’il y avait encore des prisonniers américains vivants au Vietnam (84% chez les vétérans interrogés) (1).

A la fin de la guerre d’Indochine et dans les années qui ont suivi, l’opinion publique française semble avoir été, quant à elle, bien loin de cette préoccupation. Après s’être attendrie sur les états d’âmes de madame de Castries, elle s’est ensuite focalisée sur une série d’événements tragiques de l’autre côté de la Méditerranée (2). Quant aux autorités françaises, jetant rapidement un voile pudique sur le sort dramatique réservé aux prisonniers d’origine indochinoise (3), qu’ils appartiennent ou non au CEFEO (4), elles semblent alors avoir estimé qu’il s’agissait désormais d’une “affaire entre Vietnamiens”.

S’agissant du sort des autres prisonniers non libérés après 1954, en dépit de quelques signalements troublants, il semble que les responsables politiques aient été plus enclins à préserver l’acquis obtenu à grand peine à Genève et à jeter les bases d’une future coopération économique avec l’ancien adversaire, que de faire la lumière sur une nouvelle ignominie.

Revenons en Indochine à la mi-septembre 1954…

Depuis quelques temps, le flux de prisonniers restitués par le Viêt-Minh (VM) devient de plus en plus sporadique, amenant le commandement français à suspecter que celui-ci commence à se tarir. Le 15 octobre 1954, un ultime convoi est embarqué par la marine française à Samson comprenant 38 européens (5) dont 2 légionnaires et 112 Nord-Africains.

Dès lors, le général Ely, qui a remplacé le général Navarre comme commandant en chef en Indochine, peut mesurer par un macabre décompte l’étendue de la tragédie qui s’est jouée : 21 448 prisonniers sont présumés disparus (6).

Bien que ce nombre puisse faire l’objet de quelques ajustements (distinction entre disparus, déserteurs et prisonniers, explications peu crédibles du VM), il n’en demeure pas moins considérable.

De fait, tout au long de la guerre d’Indochine, le VM ayant interdit l’accès de ses camps à la croix rouge, considérée comme une « officine d’espionnage des Impérialistes », le nombre exact de prisonniers a été difficile à établir. Ce n’est véritablement qu’à partir de 1952 qu’il est possible d’y voir un peu plus clair. D’une part, côté VM, la prise en compte officielle (7) de la problématique des prisonniers, à défaut d’améliorer leurs conditions de survie, permet en partie un recensement nominatif, parfois simplement numérique. D’autre part, côté français, la création de l’Office du prisonnier (8), voulue par le général de Lattre, permet de recevoir et de centraliser toutes les informations susceptibles d’être recueillies auprès des ex-présumés disparus et des prisonniers de guerre et otages civils libérés afin de les croiser avec celles des états-majors, des services spécialisés du renseignement et de la Croix rouge. Ainsi, le 4 novembre 1952, l’Office du prisonnier a effectué un travail de synthèse permettant d’établir un premier recensement des prisonniers militaires, par Armée et par Etat, ainsi que celui des otages civils, soit 22 244 militaires et 584 civils (9).

Par ailleurs, la distinction entre disparus, déserteurs et prisonniers semble avoir été établie de façon hâtive par le commandement français depuis sa décision de considérer « tout disparu, dont l’état de prisonnier ne peut être confirmé, comme présumé déserteur »(10). Une fois les situations éclaircies, un jugement est alors nécessaire pour disculper les intéressés, les décédés en particulier (11). Or, sur le plan administratif, la transformation du statut de “disparu” en celui de “prisonnier”, indispensable aux familles pour bénéficier de la délégation de solde (12), s’avère être un véritable parcours du combattant. Si les possibilités sont multiples, elles ne sont toutefois pas systématiquement acceptées par une administration tatillonne, n’ayant par ailleurs jamais été confrontée à ce type de situation. Il est ainsi possible de pouvoir s’appuyer sur les déclarations d’un camarade de combat attestant que l’intéressé a effectivement été capturé, sur celles d’un prisonnier libéré confirmant que l’intéressé était bien captif (13), sur la signature de l’intéressé lui-même au bas d’un manifeste (14) ou d’un courrier envoyé à la famille (15).

La restitution de prisonniers quasi-moribonds et les témoignages sur leur quotidien justifient alors amplement aux yeux du commandement français un taux de mortalité aussi effroyable16. Ces éléments viennent ainsi favoriser l’acceptation d’un aussi grand nombre de disparus, sans avoir à se poser davantage de questions !

Le 21 juillet 1955, cette question semble définitivement close puisque dans une note (17), le lieutenant-colonel Bertrand, chef du bureau des disparus, rend compte à Paris que l’Armée populaire vietnamienne (AVPN) déclare avoir rendu la presque totalité des PG européens, nord-africains qui étaient en vie au moment du cessez le feu.

Outre la mort de certains captifs (qu’elle s’empresse d’imputer aux bombardements français frappant sans discernement les camps et les convois de prisonniers), elle reconnaît néanmoins que d’autres, intransportables, sont effectivement morts en captivité dans les quelques jours qui ont suivi la fin des hostilités. L’AVPN précise par ailleurs que les ralliés et les déserteurs ne seront pas rendus, ayant choisi, soit de rester sur place, soit de rentrer chez eux par la “voie démocratique” (notamment des légionnaires originaires d’Europe de l’Est).

Enfin, elle se refuse systématiquement à faire connaître le sort réel réservé à certaines catégories de prisonniers : les officiers du 2ème bureau, les officiers de renseignement et les interprètes vietnamiens des forces terrestres. Interrogée sur les raisons susceptibles d’expliquer un aussi grand nombre de disparus, l’AVPN n’apporte aucune précision. Le lieutenant-colonel Bertrand conclut son rapport en évoquant « la possibilité que des prisonniers, séparés des autres, aient été exécutés (18)».

Si désormais toute interrogation sur d’éventuels prisonniers gardés captifs en dépit des accords de Genève semble avoir été “anesthésiée”, quelques éléments troublants viennent relancer cette possibilité :

Les derniers éléments évoqués par le lieutenant-colonel Bertrand semblent en partie confirmés par une directive du commandement VM de Cochinchine (19) qui ordonne de garder les prisonniers dont la présence n’est pas connue des libérables. Ces PG sont gardés dans des camps secrets car jugés trop dangereux : officiers de renseignement, officiers des unités de commandos, militaires des GCMA, militaires ayant commis des atrocités, prisonniers signalés pour leur mauvaise conduite dans les camps (20).

Ces PG sont gardés dans des camps secrets car jugés trop dangereux : officiers de renseignement, officiers des unités D’une façon plus générale, certains témoignages de rescapés du camp n°1, le camp des officiers, laissent même entendre qu’initialement le VM n’avait pas du tout l’intention de rendre les officiers captifs, prétextant alors une mortalité brutale due à des pathologies tropicales (21). Toutefois, afin de témoigner de sa bonne volonté, le VM pris soin d’intégrer, aux premières libérations anticipées d’hommes de troupe, 2 ou 3 officiers du camp n°1. Capturé lors des combats sur la RC4 en octobre 1950 le lieutenant Beucler (22) alla dès sa libération le 28 août 1954, consulter la liste des prisonniers présentées par le VM à la commission d’armistice. Il constata alors qu’une quarantaine de noms, considérés comme “vipères lubriques” (23), avaient tout simplement été “oubliés”. Après protestation de la partie française, ces derniers réapparurent comme par enchantement sur les listes (24).

Cette révélation n’en est pas vraiment une puisque dès le 14 septembre 1954, des sources des SR français (25) évoquaient déjà l’existence de deux camps dits de représailles, l’un à Lang Trang, à 31 km au nord-est de Tuyen Quang, l’autre dans la région de Ba Be. Les captifs seraient essentiellement des officiers de renseignement, des commandos de tous grades, des GCMA et de militaires ayant commis des exactions (26).

En décembre 1954, les SR font également état de deux renseignements, issus de source VM, attestant de la présence de prisonniers non libérés à cette date (27) :

– le premier est l’interception d’un message alertant les services de sécurité VM de Langson et de Phuc Yen de l’évasion de 5 prisonniers européens et africains dans l’après-midi du 7 décembre afin qu’ils placent des gardes à tous les carrefours.

– le second est un document adressé au régiment 148 lui annonçant qu’un convoi de prisonniers européens et africains, détenus à la sureté de Phu To va se déplacer, exigeant le secret au départ et à l’arrivée du convoi.

Une note du SDECE (28) du 15 mars 1956, rapporte que début novembre 1955, sur le tronçon de route situé entre Hoa Binh et Moc Chau (nord Vietnam), une cinquantaine d’Européens, torse nu et en sandales, travaillaient à la réfection de la chaussée. La source qui a vécu très longtemps avec les Français et qui parle la langue ajoute que ces hommes étaient bien des prisonniers de guerre et qu’ils étaient gardés par des soldats armés.

Le rédacteur de la note précise que « ces Européens ne peuvent être que des prisonniers de guerre car les déserteurs ou les ralliés européens, travaillant en brousse, ne sont jamais gardés militairement ».

Fin juillet 1956, ce même informateur, lors de différents déplacements, affirme avoir vu d’autres prisonniers au travail :

– douze prisonniers à Tinh Tu, rudoyés et gardés par un rallié de type africain ;
– trente-sept prisonniers entre Tuyen Quang et Phu Doan ;

– trois prisonniers à Thaï Nguyen ;
– dix prisonniers à Dong Vang.
Informé de ces faits, le ministre des Affaires étrangères de l’époque, en accord avec sa délégation générale à Hanoi, estime qu’il s’agit d’une confusion avec des ralliés ou d’anciens déserteurs.

Pourtant, peu après, l’informateur du SDECE parvient à identifier deux européens :
– le premier est Louis Tillard, militaire démobilisé en Indochine. Resté sur place pour travailler dans une entreprise de travaux publics, il a été enlevé avec ses ouvriers par un commando VM sur un chantier proche de Tourane le 25 janvier 1949.

– le second est Hervé Monze, militaire capturé par le VM sur la route de Cao Bang en 1947. Il remettra à l’informateur un petit mot pour sa femme domiciliée à Crozon (Finistère) : « Gardez espoir, suis encore vivant, bon courage » (29).

A la lueur de ces éléments, il est donc probable qu’un certain nombre de nos prisonniers ait été maintenu captif dans les geôles du VM bien au-delà des accords de Genève de 1954 et y soient morts dans l’indifférence générale.

Les différents acteurs politiques concernés, notamment le ministère de la Défense et celui des Affaires étrangères semblent avoir manifesté peu de volonté d’étudier véritablement cette éventualité, comme en témoignent leurs demandes d’éclaircissement relativement timorées auprès des autorités vietnamiennes. La seule intervention notable du Quai d’Orsay est celle ayant permis la libération du lieutenant Eychenié, du 2ème bataillon thaï, le 28 décembre 1955 à Hong Kong, faisant de lui, très officiellement (30), le dernier prisonnier de la guerre d’Indochine à être libéré (31).

Quant aux responsables militaires, on peut imaginer que leurs préoccupations se trouvaient désormais davantage tournées vers l’Afrique du Nord, confrontée aux prémices de ce qui ne s’appelait pas encore la guerre d’Algérie

A la tragédie vécue par les prisonniers pendant leur captivité, à celle des rescapés, rentrés en métropole dans l’indifférence générale, suspectés d’intoxication marxiste (32), livrés à la hargne du PCF (33) et confrontés à une administration tatillonne et sourde à leurs problèmes (34), n’y aurait-il pas matière, à la lueur des faits exposés précédemment, à y ajouter une nouvelle ignominie ? Celle de prisonniers “oubliés” dans les mouroirs du VM dans un silence assourdissant et coupable. Sans être pour autant catégorique, il m’est aujourd’hui impossible d’évacuer ce doute !

A chacun désormais de se faire une opinion ….

____________________________________

1 En 1993, des spécialistes MINEX français de l’APRONUC ont accompagné les forces spéciales américaines chargées de retrouver l’emplacement d’anciens camps de prisonniers dans le nord du Cambodge.

2 Notamment le tremblement de terre d’Orléansville (1500 morts) le 16/09/1954, puis la Toussaint rouge, le 01/11/1954 …

3 90% de mortalité dans les camps de détention.

4 Cf. Oublié 23 ans dans les goulags viet-minh, Ba Xuan Huynh : officier français, St Cyrien, ancien aide de camp du général de Lattre, il fait prisonnier le 10 avril 1953 et ne sera libéré qu’en 1976 !

5 Parmi ces derniers se trouvent 6 civils (1 femme et 5 hommes), missionnaires capturés au Laos.

6 Chiffre fourni par Roger Bruge dans son ouvrage Les hommes de Dien Bien Phu. Ce chiffre ne prend pas en compte les “disparus” de l’armée vietnamienne.

7 Les prisonniers français dans les camps du Viêt-Minh, (p. 54), Robert Bonnafous. Cf. note VM du 26/01/1952.

8 15/01/195218 Les prisonniers français dans les camps du Viêt-Minh, (p. 214), Robert Bonnafous

9 Les prisonniers français dans les camps du Viêt-Minh, (p. 64), Robert Bonnafous

10 Les prisonniers français dans les camps du Viêt-Minh, (p. 215), Robert Bonnafous

11 Qu’est-il advenu des soldats morts au combat dont les corps n’ont pas pu être retrouvés ultérieurement ?

12 Tant que l’état de prisonnier n’est pas reconnu, les familles ne bénéficient que de 1/5 de la solde

13 Les prisonniers français dans les camps du Viêt-Minh, (p. 231), Robert Bonnafous

14 Cf. Le manifeste du camp n° 1, Jean Pouget

15 Les prisonniers français dans les camps du Viêt-Minh, (p. 61), Robert Bonnafous. Rien que pour l’année 1951, 2200 courriers ont ainsi échangés

16 Plus de 70%

17 Note n°2914/BDPGI/UF : Libération des PG des pays de l’Est, carton 10 H 315, archives de Vincennes

19 Liste carton 10 H 315, archives de Vincennes

20 Les prisonniers français dans les camps du Viêt-Minh, (p.214), Robert Bonnafous

21 La clémence de l’oncle Hô, un mensonge meurtrier, (p. 161), Alexandre Le Merre

22 Futur secrétaire d’Etat à la Défense puis aux Anciens Combattants (1977- 1978), à l’origine de l’affaire Boudarel

23 Officers jugés irrécupérables sur le plan idéologique par le VM et donc dangereux

24 La clémence de l’oncle Hô, un mensonge meurtrier, (p. 162), Alexandre Le Merre

25 Les hommes de Dien Bien Phu, (p. 603), Roger Bruge : BR n°2575

26 Les hommes de Dien Bien Phu, (p. 604), Roger Bruge

27 Les hommes de Dien Bien Phu, (p. 603), Roger Bruge

28 Les hommes de Dien Bien Phu, (p. 604), Roger Bruge : note incluse au dossier n° 6724 SSDN FA/SP EI, transmis le 14/04/1956, au secrétariat particulier du ministre de la Défense nationale et des Forces armées

29 Les hommes de Dien Bien Phu, (p. 605), Roger Bruge. Selon l’auteur, Monze, né en 1915 a fini par être libéré puisqu’il est décédé à Eubonne (Val d’Oise) le 25/11/1987. Aucune nouvelle en revanche de Tillard.

30 Note n°2914/BDPGI/UF : Libération des PG des pays de l’Est, carton 10 H 315, archives de Vincennes

31 Enlevé à Binh Lu par des trafiquants d’opium le 04/04/1951, puis livré au VM, il aurait ensuite été repris par des militaires chinois et entrainé de l’autre côté de la frontière. Il a de ce fait été accusé par les autorités chinoises d’avoir pénétré son territoire sans autorisation à des fins d’espionnage.

32 Les anciens prisonniers restés dans l’armée feront l’objet d’une suspicion de la sécurité militaire, ralentissant de fait leur avancement et les privant d’accès à des postes sensibles ou à responsabilités

33 Par pure idéologie, le PCF a apporté son soutien au Viêt-Minh : sabotage et détournement d’une partie du matériel et de l’armement à son profit, envoi dès 1950 de deux représentants permanents en Indochine, vérification des biographies rédigées par les prisonniers, participation au lavage de cerveau des prisonniers (Boudarel), accueil musclé des “fins de séjour” et des blessés d’Indochine rapatriés en métropole

34 Alors que la famine régnait dans les camps, les rescapés auront la surprise de constater que le prêt-franc destiné à couvrir les frais d’alimentation a été déduite de leur solde, l’administration estimant qu’ils avaient nourri gratuitement par le Viet-Minh. Ils constateront également que leur temps de captivité a été comptabilisé en ½ campagne (1 an = 6 mois de bonification), au lieu d’une campagne double (1 an = 2 ans), habituellement attribuée aux militaires servant en Indochine (comparable à celle d’un militaire servant à la même époque à Berlin !).

 

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Les tracts, arme de guerre du Viet-minh : Analyse semantique d’un outil de propagande et d’action psychologique

par Philippe CHASSERIAUD, président IdF ANAPI

« La première victime d’une guerre, c’est la vérité ! » Rudyard Kipling

Les deux conflits mondiaux avaient montré, comme une évidence à chacun des belligérants, que leur victoire sur le théâtre des opérations ne pouvait que s’accompagner d’une maîtrise de leur communication à destination de leur propre camp tout d’abord (s’assurer du soutien de l’opinion publique, renforcer, à défaut maintenir le moral des forces vives) mais également en direction de l’adversaire (l’intoxiquer sur ses capacités, démoraliser ses forces vives pour l’amener à douter de sa victoire).

Pour ce faire, tous les moyens de communication avaient été mis à contribution au profit de cette propagande (1) : affiches, tracts, publications diverses, avant d’investir un spectre encore plus large par l’utilisation de la radio, des actualités cinématographiques et de films de propagande.
Enjeu de la guerre froide, la guerre d’Indochine n’échappe pas à ce type de communication, très codifié, qui s’apparente à une véritable arme de guerre.

Pour le Viêt-Minh (VM), l’entreprise est de taille et s’exerce simultanément sur deux volets :
– pour le premier, il s’agit d’influencer, de conditionner une population qui n’adhère pas d’emblée et dans son intégralité à l’idéologie marxiste ;

– pour le second, il s’agit de saper le moral des combattants du Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO), en s’attaquant notamment à la légitimité de son action, tout en lui offrant une “porte de sortie” (exiger leur rapatriement, déserter et rejoindre le “camp de la Paix”).

C’est notamment au travers de tracts (2) que le VM a entrepris cette politique d’intoxication.
A cet effet, le VM s’appuie sur les règles éprouvées de la propagande germano-soviétique, que sont le grossissement des faits, la simplification du contexte, personnalisation des responsables, dramatisation des conséquences et l’utilisation de mots ambigus pour composer le slogan véhiculé par le tract.

La première étape consiste donc à choisir des mots devant répondre à une nécessité, celle de ne pas s’adresser à l’intelligence par leur signification propre (celle du dictionnaire) mais à l’inconscient par leur résonance dans l’imagination.

Chaque mot est alors utilisé comme un levier qui, en fonction de sa teneur, soutient un but spécifique :
– un levier d’adhésion ou d’acceptation (c.à.d. bon) vis à vis de personnes, de décisions ou d’idées en les associant à des mots connotés positivement, comme “démocratie”, “liberté”, “justice”, “fraternité”, “progrès”, “paix”, “clémence”, etc.

– un levier de rejet (c.à.d. mauvais) vis-à-vis de personnes, de décisions ou d’idées en les associant à des mots connotés négativement, comme “guerre”, “mort”, “fascisme”, “agression”, “criminel”, “colonialisme”, “impérialisme”, etc.

Il est possible d’augmenter l’effet en les associant entre eux par exemple : « guerre d’agression coloniale », « sale guerre impérialiste ».

– un levier d’autorité ou de témoignage (c.à.d. notoriété) fournissant un argument indiscutable en l’associant à des mots disposant d’une autorité irréfutable, ne pouvant être remis en question, comme “science”, “Marx”, “Lénine”, “le Président Ho Chi Minh”, etc.

– un levier de conformisation (c.à.d. solidarité) pour gagner l’adhésion des foules en faisant appel à la force des émotions et aux actions collectives en l’associant à des mots comme “opprimés”, “prolétariat”, “frères colonisés”, “amitié des peuples”, etc.

La seconde étape consiste à créer le slogan, composé de plusieurs mots, qui renvoie à différents stimulus en fonction du but recherché :
– instinct de combat : « Luttez …, Exigez … » ;
– instinct “alimentaire” (conservation de l’individu) : « Soutenez …, Défense … » ;
– instinct “parental” (conservation de l’espèce) : « Paix … ».
A son tour, le slogan peut alors solliciter un seul stimulus ou en combiner plusieurs :
– « Luttez pour la défense de la Paix » ;
– « Exigez votre rapatriement immédiat et la Paix au Viet Nam » ;
– « Pas un homme, pas un sou pour la sale guerre » ;
– « Soutenez le bloc démocratique en lutte pour la Paix et la liberté des peuples opprimés » ;
– « la politique de clémence du Président Ho Chi Minh à l’égard des criminels de la sale guerre ».

Afin d’optimiser son effet, le tract peut ensuite être “personnalisé” afin :
– de cibler un récepteur spécifique : en langue allemande ou anglaise pour les légionnaires, en langue arabe pour les tirailleurs, en langue française adressée nominativement aux légionnaires, aux parachutistes, aux tirailleurs ou aux anciens de la Waffen SS (Division Charlemagne ou Wallonie), etc.
– d’interpréter à l’avantage du VM tout entreprise du CEFEO, en minorant un succès ou en majorant un échec.

Quelques illustrations :
Ce tract (recto-verso), daté de décembre 1953 et signé du président Ho Chi Minh est adressé aux prisonniers (“ennemis d’hier, nos hôtes forcés mais amis d’aujourd’hui”). Il leur annonce qu’un certain nombre d’entre eux (sans plus de précisions) seront libérés à l’occasion des fêtes de Noël pour répondre aux sollicitations des organisations patriotiques de France (le nom des coupables est précisé).
Ce tract, distribué aux forces du CEFEO, vise à montrer que la “politique de clémence” mise en oeuvre se traduit concrètement dans les faits.

Les deux tracts suivants s’appuient sur le cessez-le-feu en Corée (1953), présenté comme une victoire éclatante du bloc progressiste contre les impérialistes.

Ils font de cet événement les prémices inéluctables de ce qui se passera au Vietnam et donc un exemple à suivre. Ces tracts illustrent l’utilisation combinée des leviers de rejets (« sale guerre d’invasion colonialiste », « guerre d’agression impérialiste ») vus précédemment, en opposition aux leviers d’adhésion (« bloc démocratique ») et de “conformisation” (paix et liberté des peuples). A noter le stimulus de combat (« en lutte, réagissez contre … »).

Les textes de certains tracts sont parfois des reprises de slogans élaborés par les prisonniers eux-mêmes dans les camps aux cours de séances d’endoctrinement politique. Ils peuvent alors être signés de la mention vague “un collectif de prisonniers” ou d’une manière plus nominative. Dans ce dernier cas, les prisonniers peuvent ainsi indiquer à leur famille qu’ils sont toujours en vie, ne pouvant compter sur les auspices de la Croix rouge, non reconnue par le VM.

Les deux tracts ci-dessous misent sur l’affect de proximité en utilisant le mot “trouffions”, en évoquant les familles attendant le retour des soldats, plébiscité par l’opinion publique française qui milite pour leur rapatriement. On retrouve des leviers de rejet (« sale guerre »), d’adhésion (« paix »), de conformisation (« le peuple de France »), ainsi que certains stimuli avec l’instinct de combat (« exigez, pas un… pas un… ») et parental (« paix au Vietnam »).

Les trois tracts qui suivent sont des injonctions, notamment à déserter. Si dans le premier, cette injonction est faite de façon implicite, dans les deux suivants, elle est beaucoup plus explicite.

                                                               

Ainsi, dans le deuxième tract, le “futur” prisonnier apprend qu’il aura la vie sauve et sera traité correctement, ce qui semble indiquer que cela n’allait forcément de soi ! Il faut d’ailleurs attendre la note d’organisation VM du 26 janvier 1952 pour que soit officiellement stipulé que tout prisonnier aura la vie sauve au moment de sa capture et sera par la suite bien traité. Cette dernière mention est suivie, dans le texte original, d’une autre mention entre parenthèses et soulignée : « bien traité ne veut pas dire favorisé » (sic). Nous savons comment les commissaires politiques ont su traduire ces mots en actes dans les camps !

Le troisième va jusqu’à décrire la marche à suivre de façon très précise. Il s’adresse également à la population locale, en l’occurrence ici celle de Sontay, lui demandant de bien traiter son porteur. Le VM dédramatise ainsi l’acte de désertion, donnant ainsi toutes les assurances de sécurité au candidat déserteur. De plus, le titre du document, “Passe-port de la Paix” est à lui-seul de nature à effacer tout scrupule. Le soldat est alors placé au milieu d’un « no man’s land » avec d’un côté, le camp de la paix et du bien, de l’autre celui d’une guerre coloniale et du mal. Etant lui-même une victime, il ne tient qu’à lui de quitter le camp des impérialistes qui l’envoie faire à leur place une sale guerre !

Les deux tracts ci-dessous sont destinés à une catégorie spécifique de combattant ou une situation particulière : Le premier est destiné aux légionnaires germanophones, le second, aux parachutistes français.

Ce dernier fait mention des combats de Tu-Lê où, selon le VM, le 6ème BCP a été sacrifié sur ordre du haut commandement de Hanoi. Postérieur à octobre 1952, il est adressé à une unité de parachutistes français (autre que le 6), visiblement dans une situation délicate sans possibilité de décrocher. Peut-être Dien Bien Phu, après que la piste d’aviation soit devenue inutilisable (29/03) ?
Comme pour les tracts incitant à la désertion, celui-ci rappelle deux grandes lignes de la « politique de clémence de l’oncle Ho » : un bon traitement et un rapatriement rapide !

Le tract suivant est destiné à une population très particulière : les vétérans de la Waffen SS (Division Charlemagne et Division Wallonie).
Rédigé en français avec quelques fautes d’orthographe, il est signé d’un certain Albert Van Parys (nom à consonance belge mais possiblement d’emprunt). Il se présente comme étant lui-même un ancien Waffen SS, aujourd’hui rallié à la cause du VM.
Après le rapide exposé d’une situation qu’il prétend bien connaitre, Van Parys les incite à suivre son exemple de ralliement à l’armée de libération vietnamienne.

Ce tract est destiné aux Vietnamiens servant dans l’armée française. Il fait probablement référence aux massacres de Son Tay de 1883 lors des premiers combats de la conquête du Tonkin par les troupes françaises, sous le règne de Tu-Duc.
Au début de l’insurrection du VM, sa propagande faisait souvent référence aux combats de la conquête française pour exacerber le sentiment anti-français de certaines franges de la population, plus perméables à la xénophobie et au nationalisme qu’à l’idéologie marxiste.

Traduction :
« Aux Frères qui combattent dans les rangs français,
Le sang versé de nos compatriotes de Son Tây est aussi le vôtre, ne commettez pas de crime contre vos propres frères de sang.
Toutes destructions commises par l’envahisseur français se valent. Quel que soit le lieu sur notre territoire, ne prenez pas part à ces exactions en pensant éviter toute complicité dans ces crimes.
Ne restez pas indifférents et en assistant aux massacres perpétrés par les Français.
Ne restez pas sans état d’âme tout en étant méprisés par vos maîtres français.
Retournez vos armes contre les Français. Rejoignez nos rangs et Combattez pour une juste cause.
La Patrie vous attend et vous ouvre largement ses bras.
Le Président Hô et son Gouvernement restent et seront toujours cléments envers nos Frères ».

Ce dernier tract est le très ingénieux détournement d’un billet d’une piastre réalisé en 1953 à l’initiative du PCF.

Si l’avers est identique au billet en circulation, le revers a été modifié pour y insérer des slogans.

Si les trois messages figurant dans l’encadré et dans les deux cercles sont parfaitement explicites, la formule chapeautant l’ensemble interroge : “A qui le crime profite-t-il ?”. Le PCF fait très certainement référence au scandale de “l’affaire des piastres” qui, une fois révélée, fut très vite enterrée. La poursuite de la guerre d’Indochine est avant tout perçu ici comme un moyen permettant à des sociétés d’import-export, en relation avec des escrocs et certains hommes politique de réaliser de juteux bénéfices en jouant sur le taux de change Indochine/Métropole.
Si le PCF stigmatise ici cet enrichissement sordide qui se fait sur le dos du contribuable et le sang des combattants, il oublie néanmoins de préciser que le VM fait de même pour acheter des armes à l’étranger.

Quel impact sur le C.E.F.E.O ?

Le tract appartient à la propagande dite ” blanche ” dont la crédibilité est nécessairement limitée puisqu’émanant d’une source ouvertement ennemie.

Par ailleurs, s’il s’agit d’un outil de propagande à moindre frais, son mode de diffusion n’en demeure pas moins furtif et son ciblage très aléatoire. Celui-ci peut ainsi résulter d’épandages réalisés à la volée par des agents se déplaçant à vélo ou à moto dans des zones fréquentées par des militaires. Les tracts peuvent également être fixés sur les branches des arbres, les barbelés des postes ou dans leur périmètre immédiat sur les trajets des patrouilles ou laissés sur place après une attaque. A noter que certains prisonniers libérés à proximité de postes français, s’y sont présentés en distribuant des tracts sur lesquels figuraient une incitation à la désertion (3).

La charge affective d’un tract peut également varier en fonction du sujet abordé et de sa proximité avec son destinataire. Dans ce même registre, le simple fait qu’un tract soit vaguement signé par un “collectif de soldats” n’aura pas le même impact que celui signé d’une manière nominative par des personnes clairement identifiées. Le commandement doit alors s’employer à décrédibiliser le contenu du message et les signataires eux-mêmes en insistant sur la pression exercée sur ces derniers.

Pour toutes ces raisons, il est donc difficile de mesurer l’impact réel et global que ces tracts ont pu avoir sur le moral des combattants du CEFEO. Il n’en demeure pas moins que des cellules “Action Psychologique” ont été mises en place au niveau des deuxièmes bureaux des Etats-majors afin de combattre ce type de propagande en tentant de retourner contre le Viet-Minh ses propres arguments.

Côté Viet-Minh, ce type de support , au coût modique, semble avoir présenté suffisamment d’intérêt pour justifier, pendant toute la durée de la guerre, la mise en oeuvre de cellules dédiées, parfois encadrées et/ou conseillées par des spécialistes de la propagande du PCF.

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1 Il existe deux types de propagande, la première dite blanche, visant le moral de l’adversaire, ses effets sont nécessairement limités car émanant ouvertement d’une source ennemie ; la seconde dite noire, car trompant sur son émetteur d’origine, les mensonges et la désinformation diffusés apparaissant alors beaucoup plus plausibles.

2 A noter également les émissions de radios clandestines, ainsi que les messages de démoralisation diffusés directement par haut-parleurs ou porte-voix à proximité des postes.

3 Les prisonniers français dans les camps du Viêt-Minh, (p.49), Robert Bonnafous.

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Les Chinois à Dien Bien Phu : dernières révélations du général Giap

par Didier ROCHARD et Philippe CHASSERIAUD

Comme beaucoup de batailles, Dien Bien Phu n’a pas encore fini de livrer tous ses secrets. L’un d’eux concerne tout particulièrement la nature de l’appui chinois dans l’issue des combats, tant il est vrai qu’à une époque où les relations sino-vietnamiennes s’étaient considérablement dégradées, la Chine proclamait haut et fort que Dien Bien Phu était une victoire chinoise !

Lorsque la guerre d’Indochine débute officiellement en décembre 1946, il faut reconnaitre que le Viêt-Minh se sent bien seul, coincé au nord par la Chine nationaliste et au sud par le corps expéditionnaire français.

Ce n’est qu’à partir du moment où la Chine devient communiste en octobre 1949 que la donne change, offrant subitement au Viêt-Minh une base arrière de l’autre côté de la frontière où il va être équipé, armé, formé et restructuré lui permettant de passer progressivement d’un mode d’action limité à la guérilla à celui d’un corps de bataille moderne. Le début de la guerre de Corée, le 25 juin1950, ne fait qu’accélérer le processus engagé, la guerre d’Indochine étant subitement devenu un nouveau front de la guerre froide.

Dans ses mémoires, le général Vo Nguyen Giap lui-même évoque un soutien décisif et sans faille de la Chine, tout au long de la guerre (1)  et notamment à Dien Bien Phu (2).

Si le soutien chinois, sur un plan matériel et logistique, fait désormais consensus, celui d’un engagement “humain”, hormis les conseillers militaires et spécialistes de l’artillerie et de la cryptographie, interroge.

D’anciens combattants français de Dien Bien Phu affirment ainsi avoir observé, parmi les Bo doï qui les avaient capturés, des soldats de grande taille (3) qui ne parlaient pas le vietnamien ou le dialecte d’une minorité ethnique.

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(1) Montant en tonnes de l’aide chinoise fournie au Viêt Minh : 1950/3983 t, 1951/6086 t, 1952/2160 t, 1953/4400 t, 1954/4892 t (sources C. Goscha d’après un document vietnamien)
(2) Quelques chiffres significatifs établis après la bataille par le SR français : 12 orgues de Staline, 18 canons de 75mm, 180 fusils mitrailleurs, 36 mitrailleuses, des canons de DCA de 37 mm, 600 véhicules, 7 bulldozers…
(3) Témoignage de William Schilardi, capturé le 7 mai par deux bo doï dont l’un mesurait environ 1.80 m et ne parlait pas vietnamien.

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En 2002, l’un de nos adhérents, Didier Rochard, alors qu’il effectuait un nouveau séjour au Vietnam, a eu l’occasion de rencontrer le général Giap à Hanoï et d’évoquer avec lui la bataille de Dien Bien Phu.

Revenons sur cette rencontre insolite …

« Toujours à la recherche de “vestiges” coloniaux et d’adresses marquantes de la présence française, je passe devant la belle « villa coloniale » du général Giap. Au loin, dans un patio, j’aperçois une silhouette qui se détache et, évitant le bo doï qui me chassait, je lui fais quelques signes d’appel. Le personnage s’approche, je reconnais cette allure … il s’agit du général Giap en personne, alors âgé de 91 ans ! Je lui montre alors la photo de notre première rencontre, deux ans auparavant, avec d’anciens combattants viet-minh (4).

Le dialogue s’engage. Giap, formé à l’Université Française, parle très bien notre langue. Toutefois, ne voulant pas parler chez lui, il accepte mon invitation d’aller prendre une Bia Hoï (5)  à l’extérieur.

Après les compliments d’usage sur son génie tactique, j’évoque ensuite l’ingratitude des autorités vietnamiennes à son égard (6). Je l’entraîne bien évidemment sur le déroulement de la bataille de Dien Bien Phu au cours de laquelle il admet avoir bénéficié d’une aide considérable de l’armée chinoise, y compris au travers d’unités constituées, notamment d’artillerie.

Au cours de la conversation, GIAP me fait également cette confidence surprenante sur son interprétation immédiate de l’issue de la bataille. Bien qu’il ait gagné la bataille, il fait néanmoins le constat qu’il a épuisé toutes ses forces et ne peut plus rien entreprendre avant une complète remise en état de son armée. Il se trouve ainsi dangereusement démuni face à une éventuelle réaction des Français. En rejoignant le PC de Thuyên Quang, le 13 mai, il a la certitude d’être mis en accusation pour s’être opposé à la stratégie initialement retenue (7). Il pense même un temps se faire “sauter le caisson” (sic).

Ce n’est que le lendemain, en lisant la presse française, qu’il comprend qu’il a non seulement gagné la bataille mais également la guerre !

A plusieurs reprises il ajoute que c’est finalement Genève qui avait transformé une défaite tactique marginale pour la France en un maelström stratégique ».

Giap ne fait ici que reprendre l’argumentaire du général Navarre (8) utilisé devant la commission d’enquête plaidant pour « un revers tactique qui ne remettait pas en cause la défense globale de l’Indochine puisqu’il n’avait perdu que 5% du corps expéditionnaire » … oubliant de préciser au passage que dans ces 5% figurait la quasi-totalité des troupes dites d’élites !!!

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(4) Rencontre très protocolaire en 2000 ne donnant pas l’occasion d’une discussion personnelle, tout juste une photo de groupe
(5) Bière vietnamienne
(6) En effet, dès 1960, le “grand vainqueur et sauveur de la Patrie” voit son autorité diminuer en même temps que celle d’Ho Chi Minh. Dès 1966, il entre en conflit avec Lê Duan, secrétaire général du PC. Giap est ainsi en voyage en Europe de l’Est lorsque l’offensive du Têt est déclenchée en 1968. Ce n’est qu’en 1972 qu’il redevient Commandant de chef. Une fois la victoire acquise sur les Etats-Unis en1975, il est à nouveau mis sur la touche. En 1982, au Vème Congrès du PC, il est écarté du bureau politique. En 1980 et 1990, il sera exclu du Bureau Politique puis du Comité Central du PC pour finalement être nommé Président du planning familial
(7) Alors qu’une attaque éclaire (2 jours et 3 nuits) est fixée initialement le 25 janvier 1954 à 17h00, Giap décide, contre l’avis de son EM et de ses conseillers chinois, de repousser la date de l’attaque afin de bénéficier d’une logistique et de moyens en artillerie adaptés. Sa stratégie est désormais un encerclement et un étranglement progressif du camp retranché en 45 jours (avance sûre = victoire sûre)
(8) Henri Navarre, L’agonie de l’Indochine, Plon, Paris 1956 -pages 260-263

 

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