
Messe A.N.A.P.I. Saint Louis des Invalides le samedi 15 novembre 2025
Nous voici rassemblés ce matin pour faire mémoire de nos camarades tombés en terre d’Indochine,
victimes du devoir. Nous pensons à leurs familles qui porteront longtemps un deuil profond dans le
silence et la dignité.
Et pourtant gardons-nous d’un regain de nostalgie, nécessairement stérile et mortifère, car à ce sujet
Notre Seigneur nous adresse des propos très clairs : « celui qui met la main à la charrue et regarde en
arrière n’est pas fait pour le Royaume des Cieux ».
Ces soldats d’Extrême Orient portèrent haut et loin les idéaux de la Patrie, ces valeurs de justice, de
fraternité, et de paix. Nous leur devons ce que nous sommes.
Leur sacrifice nous rappelle que la liberté ne sera jamais un don de la nature ni un privilège du destin,
mais le fruit d’un combat, un combat qu’il nous faudra mener jusqu’à la fin des temps.
Dans ce climat abject de détestation de la France, nous nous souvenons du symbole qu’incarne notre
drapeau, bien que les interprétations soient multiples et souvent pertinentes. Le bleu ferait
référence aux armées de Clovis, premier roi des Francs, et le rouge symbolise le sang des martyrs,
des soldats tombés au champ d’honneur, le blanc restant signe de pureté.
Mais une image n’a de valeur et de sens que si elle s’incarne dans la vie.
Alors il nous est confié une mission et c’est celle de poursuivre la lutte, car la défaite n’appartient
qu’à ceux qui abdiquent devant l’adversaire.
Cette parabole du juge inique et de la veuve inopportune qui nous a été partagée nous incite à la
vigilance et à la ténacité car il nous reste des raisons de croire et d’espérer.
Oui pour que la France reste la France il faut que des hommes et des femmes de toutes conditions,
au-delà de toutes considérations de races et de cultures, se lèvent pour défendre cet idéal de
fraternité et de paix.
Alors qu’en qualité d’aumônier militaire il m’a été donné de voyager souvent à travers le monde, j’ai
régulièrement constaté que la France était davantage aimée de l’extérieur que de l’intérieur.
Cette détestation de soi nous peine et nous interroge, et nous invite à relever le défi.
Ici je me souviens des premiers mots qu’adressa le pape Saint Jean-Paul II à l’occasion de son premier voyage dans notre pays, c’était en mai 1980 : « France, fille ainée de l’Église, éducatrice des peuples, qu’as-tu fait des promesses de ton baptême » ?
Et renier nos racines chrétiennes c’est renier notre histoire, et un peuple sans mémoire est
nécessairement un peuple sans avenir.
Aussi prenons notre destin en mains car la vie est toujours ce que nous en faisons.
Oui la grâce rejoint notre liberté et cela nous invite à répondre à un idéal, à l’exemple de nos anciens,
partis sur ces terres d’Asie avec la seule ambition de servir.
Oui seul le don de soi fait grandir et tout ce qui n’est pas donné est perdu.
Aussi si nous sommes rassemblés ce matin, dans cette cathédrale saint Louis des Invalides, nécropole
sans tombeaux des soldats tombés victimes du devoir, où un autel est spécialement consacré aux
combattants d’Indochine, nous voulons honorer leur mémoire, prier pour le salut de leurs âmes, et
les préserver de l’oubli.
Alors que la nostalgie fasse place à la fidélité, parce que nous avons tous quelque chose à donner,
parce que nous avons tous quelque chose à offrir.
Je reste édifié par les actions des associations d’anciens combattants, qui loin d’entretenir une vaine nostalgie sont la mémoire de notre Nation, car se souvenir ce n’est jamais s’enfermer dans le passé
mais davantage préparer l’avenir.
La France de demain sera ce que nous en ferons, et cette dimension universelle qu’elle a su incarner
dans l’histoire, il n’appartient qu’à nous de la faire revivre, peut-être d’une autre façon, avec d’autres
ambitions, mais notre amour de la patrie devrait nous rendre inventifs à l’infini.
Aimer la France et la faire aimer, le défi est immense mais nous saurons le relever.
Chanoine Emmanuel DUCHÉ, recteur de la cathédrale Saint Louis des Invalides
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