ANAPI

Prisonniers militaires libérés après le 15 juillet 1954

Les circonstances :

Les libérations se déroulèrent après la la conférence de TRUN GIA et concernèrent 6319 prisonniers.

Les lieux de libération ont été :

  • VIETRI ( nord-ouest du delta tonkinois ) pour les captifs des camps du nord dont le camp n°1.
  • SAMSON, « plage » de THAN-HOA, dans la province de même nom, en NORD-ANNAM, à l’embouchure du fleuve MA.
  • QUI-NHON, au SUD-ANNAM.

A VIETRI ont été rendus, entre août et septembre 1954 les prisonniers des camps du NORD-TONKIN, capturés au TONKIN et à sa périphérie, au NORD-LAOS et en ANNAM (régions nord et centre), et une partie des survivants de DIEN-BIEN-PHU.

A SAMSON ont été libérés les sous-officiers et soldats capturés au sud de la ligne HANOÏ-HAÏPHONG et ceux de DIEN-BIEN-PHU dirigés vers les camps du THAN-HOA, des officiers venant du sud et du centre de l’ANNAM, 4 officiers venant du THAN-HOA. Le1er septembre 1954 avaient été libérés sur la plage, depuis la fin juillet environ 2300 prisonniers dont 11 officiers. A partir du 15 septembre jusqu’à mi-octobre des prisonniers du LAOS ont été rendus, les viêts ayant fait valoir que le LAOS étant indépendant, les prisonniers des rebelles laotiens ne pouvaient être mélangés avec ceux du viêt-minh, raisonnement parfaitement spécieux et démenti par les faits.

A QUI-NHON ont retrouvé au mois d’août 1954 les prisonniers provenant de l’encadrement d’unités supplétives, de commandos , de parachutistes vietnamiens et surtout du groupement mobile n°100 constitué à partir du régiment de Corée renforcé par des unités toutes armes prélevées sur le corps expéditionnaire, toutes ces formations ayant subi des pertes sévères en ANNAM du sud et sur les Hauts-Plateaux Montagnards.

Des données précises manquent mais les estimations permettent d’avancer avec grande réserve les nombres de :

  • 1800 libérés à VIETRI
  • 2700 libérés à SAMSON
  • 1000 libérés à QUI-NHON

Ces données n’aboutissent pas au nombre de prisonniers effectivement libérés mais il y a vraisemblablement des petits détachements de captifs ou des isolés qui ont pu rejoindre nos lignes en d’autres endroits.

L’accueil des prisonniers libérés :

Les prisonniers sont rassemblés à proximité des lieux d’embarquement, les évacuations se faisant par voies fluviales et maritimes avec les moyens de la marine nationale. Dans le cas particulier de SAMSON les prisonniers ont fait parfois l’objet de transbordements sur des navires civils attendant au large dont le Skogum, le Skubrin et le liberty-ship Le Brest, qui avaient ramenés des prisonniers viêts libérés en provenance d’HAÏPHONG.

La commission de contrôle est constituée par des polonais et des hindous. Ils font preuve d’indifférence si ce n’est de mépris pour les français, aucun des membres de ces commissions n’a été vu visitant un lieu de rapatriement, les polonais en bons communistes se doivent de considérer les français comme des colonialistes affectés de tous les défauts et les hindous ont une attitude pleine d’antipathie pour le corps expéditionnaire.

Cette attitude a conduit le gouvernement indien a interdire la présence à bord des avions survolant leur territoire de passagers militaires même pour des vols à caractère sanitaire comme le rapatriement de prisonniers libérés. Les sympathie de la commission vont au viêt-minh.

Avant la montée à bord des bâtiments de la marine des prisonniers des représentants de l’armée avec des membres du personnel de santé sont autorisés à voir les futurs embarqués pour un inventaire et un constat d’état sanitaire afin de définir des priorités pour les soins. Ce personnel monte beaucoup de froideur dans ses rapports avec les libérables et l’accueil chaleureux des marins sur les bateaux efface le malaise causé par l’inspection à terre. Il n’existe évidemment aucune cellules de soutien psychologique. Ce soutien psychologique était de lui-même apporté par le plaisir de quitter l’enfer démocratique populaire et de penser aux bienfaits de la liberté.

Des cas particuliers peuvent exister mais il n’y a pas de service social à bord des navires de débarquement servant aux évacuations. Il y a un détachement de liaison avec un officier ou un sous-officier dont le rôle auprès des passagers est assez vague. Sur les gros navires entre SAMSON et HAÏPHONG la présence d’une représentante du personnel féminin de l’armée de terre et d’un officier ou sous-officier tient lieu de service social.

En 1954, à leur arrivée dans le port de débarquement (par exemple HANOÏ et HAÏPHONG pour les prisonniers du Tonkin, Than-Hoa et Nord Laos) un détachement rend les honneurs et de multiples autorités de grades parfois élevé assurent un accueil vite abrégé par le transport en véhicules sanitaires vers les hôpitaux où est effectué le tri des gens et leur envoi en hospitalisation ou en centre d’accueil ou de repos.

Il convient de citer que sur la totalité des prisonniers libérés (10754) 6132 durent être hospitalisés pour des durées de quelques jours, quelques semaines souvent et quelques mois parfois. Parmi les hospitalisés, dans les premiers jours 61 ne survécurent pas.

A l’hôpital CIAIS d’HAÏPHONG les malades ont droit le lendemain ou surlendemain de l’arrivée à un passage de dames bénévoles de la croix rouge qui se chargent de faire parvenir un message à la famille et apportent des articles de toilette. Il se peut que la sécurité militaire procède à quelques interrogatoires mais l’état-major délègue des enquêteurs de rang hiérarchique supérieur à celui qui doit être interrogé pour connaître des détails sur les conditions de capture avec parfois une indifférence choquante devant l’évocation des pertes au combat et en captivité et devant les conditions vécues dans les camps. Il y a un fossé d’incompréhension entre les anciens prisonniers et beaucoup de militaires, en particulier ceux qui ont peu connu les affrontements avec les viêts.

Les libérés subissent une visite médicale et les plus valides qui ont besoins de petits soins courants et surtout d’une bonne nourriture vont vers des centres de repos comme VATCHAÏ au Tonkin ou DALAT au nord de la Cochinchine. Ceux qui n’ont que quelques jours d’hôpital ont le même sort.

Les hospitalisés, sauf évidemment ceux dont l’état nécessite des soins de longue durée se retrouvent à DALAT qui devient le point de passage obligé de tous les futurs rapatriés sauf cas exceptionnels. L’hôpital installé à côté de l’Ecole d’Enfants de Troupe reçoit des malades ayant quitté les hôpitaux du nord sans être guéris. C’est à DALAT que beaucoup réapprennent à vivre.

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Prisonniers militaires libérés avant le 15 juillet 1954

Les circonstances :

Il convient de placer dans ce cadre les évacuations de grands blessés pour lesquelles la croix rouge est intervenue bien que le viêt-minh ne reconnaisse pas la Convention de GENEVE grâce au Professeur HUARD, Président de la croix rouge en Indochine qui fit jouer ses relations avec des cadres viêts.

Fin octobre 1950 200 blessés des combats de la R.C.4 furent rendus dans le secteur de That-Khé.

Le 23 septembre 1950, 25 blessés ont été échangés en Annam contre un nombre de blessés viêts très supérieur.

Le 12 février 1951 , 46 blessés furent échangés à Tuyen-Quang également contre un nombre important de blessés viêts.

A DIEN-BIEN-PHU 872 grands blessés furent évacués par air après les combats.

Les nombres de libérés pendant cette periode sont les suivants (d’après la thèse soutenue par Robert BONNAFOUS) :

1947/1948 26
1949 22
1950 379
1951 1049    dont le convoi « Henri Martin » les 11 et 12 juillet, et le convoi « Figuéres » du 12 septembre.
1952 1310    dont 5 officiers le 6 octobre
1953 777
1954 872 grands blessés de DIEN-BIEN-PHU en mai et juin 1954

Le nombre des libérés avant le 15/07/54 serait donc de 4435.

L’organisation viêt-minh était la maîtresse du choix des libérés. Elle tenait au principe que les prisonniers rendus devaient être physiquement présentables pour éviter un discrédit flagrant relatif au traitement des captifs, tant pis pour les cadavres ambulants peuplant les camps.

Quelques interventions d’élus de la métropole, de toutes tendances, auprès de leurs collègues communistes furent suivies d’effets. Une ancienne appartenance aux F.T.P.F. a pu jouer pour certains gradés. Le Professeur HUARD serait intervenu pour quelques cas isolés.

Les libérations se faisaient généralement dans quelques secteurs de la périphérie du delta tonkinois (c’est au Tonkin qu’étaient la majorité des camps). Les lieux les plus souvent cités sont Dong-Trieu, Viétri et Nam-Dinh.

Les groupes de libérés préalablement dotés de tenue de l’armée viêt ou de cu-nao (habillement des paysans) sont abandonnés à proximité de postes français qu’ils doivent rejoindre en se faisant reconnaître. Ils sont surveillés de loin par les commissaires politiques afin qu’ils évitent des “effusions avec les colonialistes”. Ils ont été pourvus de tracts que leur état de démocrates et combattants de la paix entraîne l’obligation de diffusion de façon ostensible. Les viêts profitent parfois de l’occasion pour tendre des embuscades aux véhicules venant chercher les libérés.

L’accueil des libérés :

Les chefs de postes accueillent les arrivants méfiance car ils peuvent être des déserteurs chargés de faire tomber le poste et ils rendent compte à leur autorité. Le bruit courait dans le corps expéditionnaire que les viêts massacraient les prisonniers (bruit utile pour maintenir la combativité, tout doit être fait pour éviter de tomber dans les mains de l’adversaire). Les libérés, placés en un endroit où ils sont surveillés pour déceler tout geste hostile reçoivent néanmoins nourriture et soins. Parfois un arrivant est reconnu par un occupant du poste et dans ce cas il a droit à une réception amicale mais discrète.

Le commandement donna des directives précises pour éviter les contacts avec les libérés. Ils sont donc transférés au sous-secteur et au secteur avant d’être envoyés vers les hôpitaux. Après la remise en condition vient la période des interrogatoires destinés à repérer les individus douteux pouvant porter préjudice au corps expéditionnaire. Les conditions de capture sont vérifiées par confrontation des interrogatoires et des comptes rendus des actions militaires du moment. Les interrogatoires portent sur les conditions de détention et l’identification de ceux restés en captivité et sur les emplacements des camps, ils concernent rarement la recherche de renseignements sur le potentiel de l’ennemi.

L’isolement se relâche pour les libérés ayant donné satisfaction aux interrogatoires et ils ont droit, en général, à un séjour dans un centre dit de repos où ils se remettent en condition physique. Néanmoins une surveillance est maintenue jusqu’au moment du départ vers la métropole ou les pays d’origine.

Si le service de santé a accordé avec dévouement des soins aux libérés, l’action des services sociaux ne peut être cernée et évaluée, même dans les centres de repos, et celle de la croix rouge est en fait concrétisée par l’envoi des informations aux familles des libérés.

Les évadés des camps de prisonniers étaient soumis pratiquement aux mêmes conditions que les prisonniers rendus.

Il convient de signaler que des légionnaires originaires des pays soumis à la tutelle de l’Union Soviètique furent rapatriés de gré ou de force par la voie dite démocratique et ils subirent presque tous à leur arrivée dans leur pays d’origine jugement et emprisonnement. Certains réussirent à se soustraire à une nouvelle captivité accompagnée de rééducation et à rejoindre la Légion. Quelques uns d’entre eux se retrouvèrent à Dien-Bien-Phu et soumis au plus grand danger d’être reconnus et exécutés malgré un changement de nom.

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Les otages civils

1. Les otages civils

En décembre 1946 le viêt-minh, en particulier à l’occasion des soulèvements de VINH et surtout HANOÏ s’empara d’otages civils, européens, métis et autochtones. Leur nombre a été estimé dans une étude produite en 1952 à 288 hommes,129 femmes et 25 enfants. Le nombre des enfants est peut être sous-estimé. Il y eut en 1952 également 146 disparus dans ces mêmes catégories de personnes.

Leur internement a été pénible. Les lieux de détention se situaient pour la majorité en NORD-ANNAM et en périphérie du delta tonkinois.

La majorité des hommes disparurent. Des femmes et des enfants furent libérées sous la forme d’une autorisation de rejoindre la zone tenue par le corps expéditionnaire, les dernières libérations se firent en 1953. Les hommes qui survécurent ont rejoint la liberté en 1953 pour quelques franco-vietnamiens et en septembre 1954 pour les rares européens survivants qui avaient d’ailleurs rejoint des camps de prisonniers militaires après deux ou trois ans d’isolement, ainsi que les civils français capturés après 1952 ( commerçants, cadres, aviateurs civils, gardes voies ).

Le grand problème rencontré par les otages civils dans leur réinsertion fut d’ordre matériel, ils avaient pour la plupart perdu leurs familles et leurs biens.

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Conclusion

Quels furent les effets et les conséquences du lavage de cerveau ? Le Viet-Minh eut-il réellement une volonté d’extermination à l’image des nazis : les similitudes sont troublantes et accablantes. Quelles furent les séquelles psychologiques et physiologiques sur les rescapés ? Quels enseignements en tirèrent les deux partis ?

D’abord apparaît la similitude des méthodes appliquées dans l’espace et le temps, ce qui montre l’extraordinaire emprise du PCI et partant du Dich-Van, qui manipulèrent les can-bôs comme de simples pions, des perroquets. Ils mirent en œuvre ces procédés iniques, insensibles aux souffrances qu’elles engendraient, avec « la cruauté nécessaire de la Révolution » si chère à Aragon. Imbus de leur racisme anti-blanc et de leur idéologie, ils agirent à l’image des nazis convaincus de la supériorité de la race aryenne. Les méthodes des systèmes totalitaires sont identiques.

L’extermination fut-elle systématique ? Elle ne semble pas avoir fait partie des objectifs du PCI (parti communiste indochinois). Elle résulta des carences engendrées par le « centralisme démocratique », incapable d’apporter une solution rapide et concrète aux problèmes posés par les succès de l’Armée du Viet-Minh. Celui-ci laissa donc mourir les prisonniers dans la plus grande indifférence, parfois même avec jubilation

De son côté, la France ne s’étant jamais résignée à déclarer l’état de guerre ne put nous faire profiter de la Croix Rouge ni des Conventions de Genève.

Le bilan fut accablant : deux sur trois disparurent. Peut-être ne furent-ils pas sciemment maltraités, mais le minimum nécessaire à leur survie ne leur fut pas assuré. C’est un constat par défaut : là réside le crime contre l’humanité.

Il est identique à celui perpétré dans les camps de déportations nazis, la comparaison est évidente à la différence près que, dans les camps viets, la mortalité fut plus importante.

Qu’ils soient fascistes ou marxistes, les régimes totalitaires engendrent les même maux : l’asservissement, la sous-alimentation et la paupérisation des masses. Mais, chez les Viets,à la torture physique s’ajouta la torture morale, ce qui détruisit non seulement les corps mais aussi les âmes.

Les conséquences physiologiques et psychologiques furent immenses. Si le lavage de cerveau contribua à faire mourir le plus grand nombre, il laissa chez les rescapés de profonds traumatismes psychiques durables, inconnus jusqu’alors.

Le Service de Santé, le Commandement et le Pouvoir politique mirent des années à prendre conscience des séquelles engendrées par ces blessures.

Par la suite, des enseignements furent tirés, chez les Viets avec promptitude, chez nous avec retard.
Les premiers améliorèrent sans cesse leurs méthodes cyniques, aussi bien à l’égard des prisonniers américains que, après la chute de Saïgon, auprès de leurs compatriotes, les militaires sud-vietnamiens.

Pour sa part, l’Armée française élabora une théorie de la guerre révolutionnaire et y chercha des parades. Elle créa les cinquièmes bureaux chargés de la guerre psychologique et subversive, où œuvrèrent notamment d’anciens thu-binh.

Les rescapés furent vaccinés à tout jamais contre le marxisme si dédaigneux de l’individu, dont était foulée au pied la dignité.

«  Lavés, ceux qui sont revenus ont gardé une horreur viscérale du communisme, qui demeure immuable et manie à merveille la peur, l’espoir, la naïveté, la délation, la lassitude et l’ambition  » (J.J.Beucler) exploitant chez l’homme ce qu’il a de plus mauvais. Il a endeuillé et pollué tout le XX° siècle.

Note : L’auteur de ces lignes a vécu lui-même tous les évènements qu’il a décrits au Tonkin, aussi bien dans les prisons du Yên Té, de Tha Nguyen et de Tuyen Quang que dans les camps N° 15, 113 et 25, en 1951 et 1952, en tant que témoin, acteur et victime.

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La libération – Les réprouvés

Tout au long du conflit eurent lieu des convois de libération aux noms évocateur : « Henry Martin », « Raymonde Dienne » etc… Ainsi rejoignirent les postes français des groupes d’individus hâves, crasseux, décharnés, véritables « zombies » (morts sortis du tombeau), parlant un langage abscons inconnu du CEFEO, méconnaissables.

N’appréciant pas le problème à sa juste mesure, redoutant la contagion, le Commandement n’ouvrit même pas les bras à ces hommes courageux, capturés dans des combats sanglants et parfois hasardeux. Il les traita en suspects, en faisant des réprouvés.

On les isola dans des centres de « repos » chargés de les « désintoxiquer », où ils furent soumis aux enquêtes pointilleuses de la Sécurité Militaire.

De son côté, jusqu’au dernier jour du conflit, le Dich-Van s’évertua à tromper les captifs sur leur sort et chercha à les endoctriner encore, faisant fi de tout souci humanitaire, la révolution ignorant la pitié.
Son œuvre perfide et néfaste se poursuivit au-delà de la paix, car il avait inoculé à tous un virus d’hostilité, d’inimitié et d’agressivité à l’égard de leurs semblables. Il agit encore cinquante ans après leur retour à la liberté.

Brancardage d'un prisonnier par ses camarades. (dessin de R. Massari)

Pour tous, ce dernier fut une explosion de joie et d’amertume.
Tant que le conflit dura, les prisonniers libérés essayèrent de venir en aide à leurs camarades qui continuaient à mourir en captivité. Deux moyens s’offraient à eux.

Le premier consistait à indiquer au commandement la position des camps pour qu’y soient effectués des parachutages de vivres, vêtements et médicaments. Les Viets s’emparèrent de ces biens si rares, incitant les prisonniers à ne pas se laisser acheter par les colonialistes qui avaient violé leur espace aérien.

Le deuxième, complexe et risqué, consistait à jouer le jeu de la conversion sincère pour inciter le Viet-Minh à poursuivre leur politique de libération inconditionnelle. Certains s’y brûlèrent les ailes qu’ils tentaient enfin de déployer.

Quant aux familles, il revint aux rescapés de les informer de la mort des multiples disparus et pour sauvegarder leur moral, de les tromper sur les conditions réelles de vie de ceux qui étaient restés.
Une fois encore il fallut mentir ; l’horreur et l’indicible ne se racontent pas.

Les manifestes : signer ou mourir

En réaction à l’oppression, il importait de jouer le jeu pour ne pas mourir avant d’avoir recouvré la liberté.

Certes, ceux qui tentèrent l’évasion traditionnelle sont dignes d’éloges ; bien peu réussirent.
Mais que penser des libérations inconditionnelles ? Seuls ceux qui en ont connu les conditions peuvent en juger.

Fuir ce monde kafkaïen fut non seulement un impérieux devoir militaire, mais aussi une nécessité vitale. Le choix du combat pour la paix en fut le moyen. Il nécessita un long aggiornamento car il ne correspondait en rien à notre éthique traditionnelle. La mortalité très importante incita les plus réfractaires à ouvrir les yeux et à exploiter au mieux les failles d’un système hideux et inédit qui les oppressait.

Partout, les prisonniers firent la même analyse. Il leur fallait signer ou mourir. C’était l’unique dilemme. Nous étions au fond d’un puits,la voie était sans joie et sans choix. Le chemin à emprunter était malaisé, tortueux, très risqué et aléatoire du fait de la délation permanente et des faibles chances d’espérance de vie. La plupart s’y engagèrent, bien peu parvinrent au but.

Ils n’avaient donc pas trahi, mais avaient simplement sauvé leur vie en exploitant au mieux les circonstances et les failles d’un système concentrationnaire qui avait tenté de les étouffer. De plus ils avaient satisfait au principe du règlement militaire prescrivant au captif de tout mettre en œuvre pour recouvrer la liberté,en lui laissant le choix du moyen.

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L’élection des futurs libérés

Dans un silence religieux cette élection se fait au cours d’un rassemblement solennel regroupant la totalité de l’effectif du camp,détenus et «autorités ». Le can-bô annonce, devant les prisonniers haletants, la décision du Président Ho de rendre à leurs familles les plus méritants combattants de la paix qui vont être désignés par un vote libre et démocratique de l’assemblée.

Il donne alors lecture d’une liste de noms, s’arrêtant après chacun pour recueillir l’avis du peuple. A chaque appel tous les bras se lèvent. Comment agir autrement ? Ne pas acquiescer serait mettre en cause la vie d’un camarade, et en doute la sagesse du can-bô et du Parti. Ce serait aussi faire preuve d’un manque de maturité socialiste et d’un esprit rétrograde.

Naturellement, aucun malade ne se trouve sur la liste, car la route va être longue et il y a lieu de cacher aux yeux de l’opinion internationale l’état sanitaire déplorable de la population carcérale. Sitôt sa lecture terminée, le can-bô proclame : « Je prends acte de votre sage décision »…

Une parodie d’élection vient d’avoir lieu. La masse a bien été consultée, mais on lui a seulement demandé son assentiment. Le système d’oppression et de mystification a joué parfaitement son rôle.

Mais la sinistre comédie ne s’arrête pas là. Des camarades libérés, devenus soudainement combattants de la paix et amis du peuple vietnamien, montaient à la tribune pour manifester leur gratitude et la fermeté de leur engagement. Bien plus, l’un d’eux venait affirmer sa « volonté de demander à bénéficier encore de la généreuse hospitalité du Vietnam pour continuer ici le combat pour la paix et œuvrer à la conversion de ceux qui restaient ». Ignorant que les Viets lui avaient mis le marché en mains, sans discussion possible, nous le prenions pour un traître ou pour un fou.

Puis l’un de ceux qui restaient venait en leur nom proclamer « la sagesse du choix que venait de faire le peuple et la ferme volonté de tous de s’amender, et de continuer ici la lutte contre les impérialistes et les bellicistes ».

Ensuite, tous unis dans la même foi, prisonniers et gardiens entamaient en chœur l’Internationale, poings levés !

Le calendrier s’était déroulé de façon implacable : annonce d’une libération et d’élections libres pour en désigner les bénéficiaires, séance des « aveux spontanés » permettant à la « Direction » de tester la maturité socialiste de ceux qu’elle envisage de libérer,journée de jeûne expiatoire lui donnant la possibilité de mesurer la bonne volonté de tous, et finalement élections.

La démocratie est sauve. Les prisonniers ont été eux-mêmes les jouets, les victimes et les complices de ce système d’oppression psychologique qui les étouffe.

Dernière parodie de jugement : à nouveau le Tribunal du peuple

Les libérés partis, les maintenus à bout de force et de courage commencent à se laisser mourir. Les rares valides élisent un nouveau Comité de paix. La marche vers la liberté, d’une dizaine de jours environ, sera jalonnée de « fêtes d’amitié organisées spontanément » par les populations accueillantes et laborieuses des villages rencontrés.

La veille du jour où la colonne va arriver aux lignes françaises, le can-bô annonce soudainement qu’un prisonnier ayant commis une faute va devoir être jugé par le peuple qui aura à décider de la sanction à lui infliger. Pour ces hommes épuisés qui sont presque arrivés au but après des mois de double jeu et de dissimulation, il n’y a même pas de dilemme, l’instinct de survie commande !

Puisque le vote est public et se fait à main levée, une seule sanction s’impose, attendue qu’elle est par le commissaire politique, à savoir le retour au camp du fautif, pour y expier son forfait et surtout y parfaire son éducation socialiste ; c’est-à-dire, la plupart du temps pour y mourir.

La condamnation est donc unanime et sans appel, et benoîtement le commissaire proclame simplement : « Je prends acte de votre sage décision ».

Ce scénario s’est reproduit dans la plupart des convois

L’objectif était double : de retour au camp, le puni et aussi le commissaire annonçaient la nouvelle qui incitait les captifs à la sagesse, leur montrant que rien n’était jamais acquis. Sur le convoi de « libérés » soufflait jusqu’au dernier jour un salutaire vent de terreur qui assurait la discipline.

Georges Boudarel ne manqua pas d’appliquer judicieusement cette technique d’asservissement hideuse et suptile, évitant ainsi tout recours à la brutalité, inutile alors pour tuer un homme.

Dans d’autres cas, il fut demandé aux prisonniers d’ouvrir l’enceinte du poste français où ils allaient arriver à des assaillants éventuels, et même de participer à l’attaque de celui-ci. Cette manoeuvre échoua. Leur désarroi fut alors à son comble !

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La vie journalière du captif

La mise en condition

Elle s’opère en quelques semaines sous la houlette haineuse du can-bô qui attise les rivalités, et distille savamment les informations venues de l’extérieur, dont les captifs sont totalement coupés, sauf si sont arrivés des « nouveaux » qui d’ailleurs sont mis aussitôt en quarantaine. Ainsi ne peuvent-ils pas répandre de « fausses nouvelles ».

La rééducation journalière, permanente et lancinante, exploite l’épuisement physique et psychologique des détenus. La délation, la suspicion, le dénigrement et la trahison deviennent la règle qui isole le captif au sein même de la collectivité qu’il sent hostile. Selon le principe de base du marxisme, elle a la priorité sur l’individu, dont les gestes sont susceptibles de lui nuire.

La mort fait rapidement son apparition. Elle apparaît comme une menace palpable, évidente, permanente, inséparable compagne, avec les poux, de tous. Elle sera un des plus puissants leviers de l’endoctrinement.

Le thu-binh ressemble à un homme qui se noie. Or, le « bienveillant » can-bô lui tend justement une main secourable :qui ne la saisirait ? Une libération inconditionnelle est possible pour ceux qui sauront se montrer coopératifs. Le mirage de la libération apparaît et va se transformer en hallucination.

Le prisonnier devient réceptif pour sortir de cet enfer qui risque de l’engloutir. Sans en avoir conscience, il va devenir stakhanoviste du combat pour la paix. Il a compris qu’il lui faut signer pour ne pas mourir. Le can-bô a gagné.

Obnubilé par des principes surannés, et ignorant tout de la guerre révolutionnaire, le commandement français tarda à prendre conscience de cette situation inédite et à tirer les enseignements de l’expérience vécue et racontée par les premiers libérés. On les mit en quarantaine sans prendre la peine de mener une campagne d’information auprès des combattants du CEFEO, en ce qui les concernait en cas de capture.

Pourtant, depuis la révolution russe de 1917,on connaissait les méthodes du communisme relatives à la prise en main des masses. Dans nos écoles militaires, rien n’avait été fait pour préparer les cadres à affronter ce genre d’agressions. Aussi les thu-binh se trouvèrent-ils complètement démunis contre le traitement qui leur était infligé et ses méthodes insidieuses. Ils n’avaient rien à opposer à ce redoutable système. D’autant qu’ils s’étaient toujours sentis mal soutenus par un pouvoir politique, qui de Paris menait la guerre sans conviction, à la petite semaine, miné par ses divisions et son instabilité. Giap l’avait écrit : Les occidentaux étaient fort matériellement, mais très faibles psychologiquement. Il fallait exploiter cette faiblesse. Les prisonniers offraient un terrain privilégié : les maladies, la faim, l’insalubrité tropicale et la perspective d’une mort à brève échéance les rendaient malléables.

L’endoctrinement

Les conditions de la bonne volonté et de la réceptivité étant réalisées, le commissaire politique peut entreprendre son travail « salutaire ». Il commence par la création du « Comité de paix et de rapatriement », composé de « délégués » élus par le peuple. A leur tour, ceux-ci élisent un secrétaire (terme typiquement marxiste), chargé de l’animation de la vie du camp et de la liaison avec la « Direction ». Celle-ci organise les cours politiques non obligatoires, mais auxquels il serait suicidaire de ne pas assister et participer, puisque l’enjeu à terme est l’inscription sur la fameuse liste des futurs libérés, dont on parle sans cesse.

Au cours des séances sont réalisées les MANIFESTES, élaborés sur des thèmes suggérés aux détenus. Ils sont rédigés à la suite d’interminables et oiseuses discussions ; chacun doit apporter sa pierre. Nul n’est tenu de les émarger ; mais, malheur à celui qui s’abstiendrait de le faire.

Le premier manifeste du Camp N°1, celui des officiers, date du 15 août 1951. Ceux du camp N°15, où croupissent sous–officiers et hommes de troupe, ne tardent pas à suivre. Aucune concertation n’ayant été possible, des deux côtés les conditions imposées aux détenus les avaient conduits aux mêmes analyses et conclusions.

Il leur faut signer ou mourir. De plus, si ces textes parviennent en Occident, ils seront un moyen de donner des nouvelles aux familles, et de tenter d’améliorer la situation des détenus qui auront ainsi témoigné de leur bonne volonté. Evidemment, à Hanoï, ils feront froncer les sourcils des Etats-Majors qui ignorent les conditions de vie dans les camps.

Ainsi, durant des mois vont se succéder cours politiques journaliers, veillées nocturnes inspirées des feux de camp des chantiers de jeunesse de Vichy, fêtes de toutes sortes, séances de critique et d’autocritique, sessions du tribunal du peuple, campagnes diverses, travaux de rédaction des aveux « spontanés » des atrocités commises etc.

Les campagnes

D’inspiration chinoise, inventées par Mao et basées sur des thèmes d’intérêt général, elles visaient à secouer la torpeur qui gagnait les esprits angoissés et les corps épuisés, et à susciter des actions collectives : propreté, hygiène, éradication des poux, joie et gaieté, jardinage, extermination des mouches porteuses de maladies ; c’était une façon de manipuler la masse et d’exacerber les tensions et rivalités.

S’y surpasser pouvait devenir un atout pour l’avenir, mais un moyen de gaspiller ses faibles forces.

Critique et autocritique

C’est un chef d’œuvre de cynisme et d’oppression morale, imaginé par des penseurs de génie ayant atteint le sommet du machiavélisme. Il représente un des aspects les plus hideux des méthodes de dépersonnalisation qui vinrent à bout de la résistance désespérée mais vouée à l’échec des captifs. Ils étaient condamnés à devenir réceptifs à la réforme des idées et à l’esprit révolutionnaire par la critique et l’autocritique, qui aboutissent à la rééducation réciproque des membres du groupe.

Tous les prisonniers ont failli à priori puisqu’ils sont là, et toute opinion contraire à « l’orthodoxie » est rétrograde et contre- révolutionnaire. Cette culpabilité impose à chacun de la reconnaître en faisant son autocritique, c’est-à-dire en avouant ses fautes en public et, conscient du tort causé à la collectivité, en demandant à celle-ci de décider pour lui d’un juste châtiment. Ce dernier arrêté, le magnanime can-bô le modèrera pour manifester la clémence du président Ho et du peuple. Le fautif exprimera alors sa reconnaissance, son repentir et son désir de s’amender et de se racheter.

La « critique », elle, obéit à un processus différent et s’apparente à de la délation pure et simple. Toute personne ayant eu connaissance d’une faute ou d’un manquement se doit de les dénoncer publiquement, à défaut de quoi il en devient complice. La sanction du peuple, cette fois,est plus sévère, puisque le coupable n’a pas avoué spontanément en faisant son autocritique.

Ainsi les détenus se surveillaient mutuellement, se murant dans leur solitude, ne pouvant se confier à personne. La rééducation devenait l’œuvre de tous, et chacun se faisait le gardien et le moniteur de ses camarades, son obéissance étant le fruit de la délation soigneusement entretenue par les dirigeants du camp.

Elle aboutissait à la soumission de tous,car l’objectif secret du thu-binh était de ne pas mourir avant l’hypothétique libération. La gangrène était partout. Ceci explique en particulier la difficulté des évasions,tous étant tenus, sous peine de sanction, d’en divulguer les préparatifs.
Les captifs se surveillant eux-mêmes, il était possible d’économiser les effectifs consacrés à leur garde.

Le Tribunal du peuple

Tout fait, même anodin, toute peccadille, sont montés en épingle et transformés en évènements majeurs et graves. La « Direction » en a eu connaissance par ses indicateurs, ou le rapport spontané et louable d’un détenu. Alerté et vigilant, le peuple est rassemblé aussitôt et se constitue spontanément en tribunal pour juger le fautif sous la responsabilité du Comité de paix. Il n’y a pas d’avocat, seulement un procureur : le can-bô. Dans son réquisitoire, il accuse la collectivité d’être responsable du manquement pour n’avoir pas su maintenir le coupable dans le droit chemin. Celui-ci fait alors son autocritique et réclame une juste sanction. Après en avoir discuté, puis une fois écoutés les accusateurs, dont la virulence témoigne de leur souci de se faire bien voir, le peuple vote à mains levées sous l’œil vigilant du can-bô.

Très en vogue chez les marxistes, ce mode de votation impose à chacun de se déterminer en fonction de ce qu’attend de lui la collectivité, elle-même orientée par le commissaire. Malheur à celui qui réclamant la clémence n’aurait pas levé la main ! Manipulée, la masse ne pouvait agir autrement !

L’anniversaire du 19 décembre : un jeûne volontaire de repentance. La mort de Staline : un deuil

Le 19 décembre 1946, le Viet-minh avait rompu le « modus vivendi » (Accord signé avec le gouvernement de Paris) et attaqué par surprise et traîtrise toutes les garnisons françaises en réponse à leurs provocations.

Le jour anniversaire de ces évènements au cours desquels étaient morts, il est vrai, de nombreux Vietnamiens, était déclaré journée de jeûne volontaire et expiatoire pour tous les prisonniers,qui témoignaient aussi de leur contrition en participant à des meetings.

Il en fut de même pour la mort de Staline décédé le 5 mars 1953. Elle donna lieu à des scènes de deuil où le sérieux et le grotesque se mêlèrent au cours de cérémonies attristées et ferventes.

L’aveu des crimes de guerre (Procède évidemment de l’autocritique)

Lorsque l’imminence d’une libération se précisait un processus machiavélique débutait visant à tester la maturité politique des captifs et, partant, à épurer la liste en préparation naturellement tenue secrète. Tel fut le cas, en particulier, au camp N°113 fin 51 début 52.

Tous les prisonniers sont invités à faire par écrit la confession de leurs crimes de guerre et des atrocités commises en leur présence, avec leur participation active ou passive.Chacun suivant son degré de « maturité socialiste » et son souci de se faire remarquer s’évertue à les décrire de son mieux.
Peu après, au cours d’un meeting dit des aveux spontanés, sont lus par le Comité les meilleures copies et proclamés les héros de cette compétition louable et honnête dans le repentir.

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La mise en application

« Convaincre progressivement une population en recourant à un mélange de terrorisme sélectif, d’intimidation, de persuasion et d’agitation massive »

Mao-Tsé-Tung

Cette étude s’intéresse surtout aux Français. Les légionnaires furent souvent traités à part et « condamnés » au rapatriement vers l’Europe communiste de l’Est, par la voie dite démocratique, c’est-à-dire la Chine. Ils la redoutaient car, une fois parvenus dans leurs pays, ils furent emprisonnés pour avoir trahi le camp socialiste.

Les soldats originaires des pays d’Afrique reçurent souvent une formation particulière destinée à les impliquer dans les futures luttes de libération des pays colonisés et asservis.

Quant aux ralliés à la cause de la paix, cités ici pour mémoire, ils furent l’objet des attentions du Dich-Van, qu’ils aient été de véritables déserteurs (3000 environ) ou de malheureux prisonniers ayant accepté le statut de ralliés, croyant ainsi améliorer leur sort. Tous connurent une mortalité identique à la nôtre.

La plupart des Français, vaincus par l’oppression, finirent, à force de lassitude et de désespérance, par entrer dans le jeu des can-bôs, sans même en prendre conscience, pour tenter de survivre… vainement bien souvent !

Tous furent victimes « d’agressions psychologiques découlant d’une doctrine monstrueuse, appliquée par un Etat pratiquant une politique d’hégémonie idéologique et d’intolérance active ».

Tous les éléments du génocide constituant le crime contre l’humanité furent réunis, tel que le définit la Convention des nations Unies du 9 décembre 1948 : « Atteintes graves à l’intégrité physique et mentale du groupe ; soumission intentionnelle de celui-ci à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ».


Pourquoi l’évasion fut-elle quasiment impossible ?

« Alors s’élèvent autour d’eux les barreaux d’une prison invisible. »

Bui Tin
ancien membre éminent du PCI, passé à l’Ouest

Cette citation résume tous les secrets de l’enfermement psychologique. Les chances de succès d’une éventuelle évasion étaient quasiment nulles, les risques immenses, et les conséquences d’un échec redoutables.

Les distances, l’épuisement physique, l’environnement hostile (jungle et population), la menace constante des Can-bôs, la délation ambiante, tout dissuadait le prisonnier de tenter l’aventure.

De courageux camarades s’y risquèrent cependant ; bien peu réussirent. Repris, plusieurs furent fusillés, d’autres subirent d’affreux sévices pour l’exemple.

Beaucoup de thu-binh se résignèrent donc, la mort dans l’âme, à entrer dans le jeu de la libération inconditionnelle qui fut accordée avec parcimonie. Combien ne purent attendre cette échéance et moururent entre temps !

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L’organisation du Dich Van

Il est divisé en trois « départements », assistés de conseillers étrangers, dont ceux du PCF, chargés, chacun en ce qui le concerne, des français, des musulmans, des africains et des soldats de la Légion Etrangère, et aussi de veiller à l’application des directives du Tong-Bô et au fonctionnement du système.
Ainsi le PCF joua un rôle essentiel, non seulement dans la conception, mais aussi dans l’exécution du lavage de cerveau, ce qui explique sa parfaite adaptation aux mentalités françaises et partant sa redoutable efficacité. Georges Boudarel en sera un excellent exemple.


Buts – méthodes – slogans – fêtes – héros et liturgie marxistes

Buts majeurs : amener les prisonniers à épouser la cause qu’ils étaient venus combattre ; les engager dans la lutte pour la paix et le rapatriement du CEFEO ; les convertir au communisme ; les convaincre de la juste cause du Vietnam.

Les libérations inconditionnelles visaient trois objectifs : « inoculer » ces convertis devenus pacifistes dans les rangs du CEFEO pour amoindrir sa combativité ; donner au Viet-Minh magnanime une dimension internationale en prouvant son humanisme ; se débarrasser des bouches inutiles.

Les méthodes étaient héritées des expériences nazies, soviétiques, chinoises et fascistes qui avaient mis en pratique les techniques de conditionnement, de manipulation et de d’endoctrinement des masses.

Citons : la coupure totale avec le milieu initial créant l’isolement absolu ; l’abolition des grades et des références morales ou sociales; la délation érigée en règle et considérée comme un devoir ; la répétition incessante des arguments et slogans ; la critique et l’autocritique ; la mauvaise conscience éveillée chez tous ; le mirage de la libération ; le stakhanovisme : l’idéal du dépassement des normes ; le chantage non dit à la mort, chacun sachant son espérance de vie limitée.

Tel l’homme qui se noie, le captif s’accroche à la branche que lui tend le bienveillant can-bô. Il est mûr pour tous les renoncements.

Les slogans sont évidemment ceux, bien éculés, du PCF et du parti communiste soviétique qui envoie ses directives à tous les partis frères : la sale guerre, l’impérialisme sanguinaire, le colonialisme exploiteur, avide et perfide, le capitalisme égoïste, le socialisme généreux, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes etc.

Les héros de l’émancipation de l’homme, les bienfaiteurs de l’humanité sont évidemment :Marx, Engels, Lénine, Staline, Mao-Tsé-Tung, Ho-Chi-Minh, mais aussi : Henry Martin, Raymonde Dienne, Eugénie Cotton, Jeannette Veermersch, ces figures momentanées du PCF. Sont cités aussi : Maurice Thorez, Jacques Duclos, le ménage Joliot Curie, les marins des cuirassés Potemkine et Aurora, les mutins de la Mer Noire, André Marty …jusqu’à sa disgrâce.

La dynamique révolutionnaire est sans cesse attisée par des fêtes, meetings, cérémonies, anniversaires, célébrations de toutes sortes où le grandiose se mêle au grotesque !

Ces rassemblements sont ponctués de discours, déclarations spontanées, manifestes émanant des captifs mandatés par la masse, de slogans répétés en chœur, de chants et tout spécialement l’Internationale, de litanies rappelant les hauts faits des héros, tel Lé-Ong-Phong personnage historique.

Tout ce rituel donne naissance à une phraséologie conventionnelle parfois cocasse résultant de la formation primaire des can-bôs et de leur piètre connaissance du français. Elle est inspirée des thèmes chers à l’Humanité, le journal du PCF,dont les plus récents exemplaires datent alors de six mois.

L’ensemble de ces actions est animé par le can-bô. Il vit journellement auprès des prisonniers, les connaît, les note, suscite leur engagement dans la lutte, écoute les délateurs, manipule ses agents, isole les nouveaux arrivants pour les empêcher de répandre de fausses nouvelles. Cadre de contact, il conduit la « rééducation ».

Parfois lui est adjoint un transfuge français. Ce fut le cas de Georges Boudarel, présent au Camp N°113 depuis février 1953 jusqu’en janvier 1954. Ses capacités d’action étaient réelles. Il jugeait en effet de la maturité socialiste des détenus, et par conséquent de leur aptitude à une éventuelle libération, dont dépendaient leurs ultimes chances de survie. Sans avoir à les brutaliser, il avait ainsi sur eux le pouvoir de vie ou de mort.

Notons que des femmes d’origine française, parfois prises en otages en 1946, collaborèrent au Dich-Van. Ce fut le cas de madame Ben et de Camille Sigonnet au camp N°113 en 1951, où le rédacteur de ce document les a bien connues.

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Le Dich Van

« N’est pas révolutionnaire qui a pitié de quelque chose dans le monde ».

Catéchisme du révolutionnaire de Nétchaïev

En charge de l’Action psychologique à l’encontre de l’ennemi, au sein de son dispositif, le Dich Van met en œuvre les actions de formation et de rééducation, ainsi que celles de la persuasion morale auprès des prisonniers de guerre (appelés thu-binh), en appliquant un principe simple : exclure tout esprit d’humanité.

Cette doctrine, conforme aux règles élaborées par Giap, fut mise au point avec la participation déterminante du PCF, qui envoya de nombreuses délégations au Tonkin et y maintient des permanants. Il sugerra les données de l’endocrinement et de la persuasion, les notions d’homme nouveau et de combattant de la paix devant aboutir aux libérations inconditionelles.

Maurice Thorez était conscient du bénéfice à en tirer. Il délégua en permanence dans le maquis un certain André, qui y joua un rôle modérateur. La liaison avec le Lao-Dong fut maintenue par de nombreuses délégations parmi lesquelles doit être citée l’Union des femmes françaises, qui garda un contact étroit avec le Viet Minh à Prague.


La ligne politique du Tong Bô

(Bureau politique du Lao Dong, le parti communiste indochinois)

Elle fut définie entre 1950 et 1952, avec la participation des conseillers français et chinois. Elle retint trois idées majeures : la clémence du Président Ho-Chi-Minh, le combat pour la paix et le rapatriement du Corps Expéditionnaire. Ceci impliquait l’usage constant de l’autocritique et le principe de la responsabilité collective, la hiérarchie et le groupe faisant confiance aux prisonniers, au lieu de les châtier pour leurs crimes.

En contrepartie, toute tentative de fuite (évasion) étant considérée comme une trahison de cette confiance et une désertion déshonorante du camp de la paix, méritait un châtiment exemplaire : la peine de mort. Il fut appliqué au commandant de Cointet et au lieutenant Chaminade fusillés à Tuyen-Quang en 1951,après l’échec de leur évasion.

(Ce tract de propagande Viêt Minh fut remis, à l’occasion de la fête de Noël 1951, aux libérables du Camp 113)

Dès lors étaient crées les conditions de la dépersonnalisation de l’individu qui, privé de ses repères, était amené à s’identifier à la masse, et à porter ses jugements en fonction des tendances de celle-ci,évidemment manipulée par le Can Bô. Le groupe secrétait ainsi sa propre police interne entraînant, sans déviance possible, l’individu sur la voie du combat pour la paix dont dépendait la fin du conflit, c’est-à-dire le rapatriement si ardemment souhaité. Entre temps pouvait survenir pour les plus méritants une libération inconditionnelle anticipée.

Les esprits déboussolés devenaient hallucinés par le mirage de la libération condition de leur survie.

S’inspirant des expériences soviétiques et chinoises, le Tong-Bô définit les normes établissant la durée de rééducation nécessaire à l’obtention d’un résultat tangible à l’action entreprise : 12 à 18 mois pour un homme du rang : 18 à 24 pour un sous-officier ; deux à trois ans pour un officier. Quant aux « réfractaires », dits « irréductibles », ils étaient inutiles et dangereux, et devaient être impitoyablement éliminés.

L’effarante mortalité contraignit le Dich-Van à revoir à la baisse ces normes, car elles dépassaient largement l’espérance de vie du prisonnier moyen : six à neuf mois pour un européen !

Nul n’a le droit de juger les réactions des gens à ce traitement s’il ne l’a lui-même subi, et connu les horreurs de la vie carcérale où, selon J.J. Beucler : « La pénurie, le climat et la désespérance suffirent à détruire les corps les plus robuste et les âmes les mieux trempées ».

Tout au long du conflit, des prisonniers de tous grades et nationalités furent donc libérés individuellement ou collectivement, dans les lieux les plus divers et des conditions toujours différentes.

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