La journée nationale

Pour la première fois, le 8 juin 2005, partout en France, fut célébrée la journée nationale d’hommage aux morts pour la France en Indochine.

A Paris, la cérémonie officielle célébrée avec faste dans la Cour d’Honneur des Invalides, en présence de Madame ALLIOT – MARIE, Ministre de la Défense et de Monsieur HAMLAOUI MÉKACHÉRA, Ministre Délégué aux Anciens Combattants, a revêtu un caractère particulièrement émouvant avec l’hommage rendu à la dépouille d’un combattant qui vient d’être retrouvé au Vietnam et rapatrié sur la Métropole.

Voici les textes lus par Madame ALLlOT-MARIE, Ministre de la Défense et par M. Jean Marie ROUART, de l’Académie Française.

Hommage
de Madame Michèle Alliot-Marie
Ministre de la Défense

Il y a 51 ans, les armes se taisaient en Indochine.

Ce silence clôturait un siècle d’épopée française en Extrême-Orient.

Il mettait un terme douloureux à une guerre de huit ans commencée au lendemain de la cruelle occupation japonaise.

Loin de leurs foyers, sur des terrains inhospitaliers, face à un adversaire insaisissable, valeureux et sans cesse mieux armé, les combattants du corps expéditionnaire français ont lutté inlassablement, avec une foi, une ardeur, un courage et un dévouement qui forcent l’admiration et imposent le respect.

Leur sacrifice fut immense.
Leur tribut fut celui de la souffrance, du sang, et de la mort.

De 1945 à 1954, près de 100 000 soldats de l’Union française sont tombés en Indochine. Plus de 76 000 ont été blessés.

40 000 ont été fait prisonniers.
Parmi eux, 30 000 ne sont jamais revenus.
L’éclat de leur bravoure, le panache de leur engagement ne rencontreront trop souvent, en métropole, que l’indifférence ou l’hostilité de leurs concitoyens.

Tous ces combattants ont lutté, ont souffert, sont morts, avec, sans doute, le sentiment amer de l’abandon, la blessure ultime de l’ingratitude.

Ne les oublions pas.

Parachutistes, légionnaires, coloniaux, tirailleurs, métropolitains, gendarmes, marins, aviateurs, médecins et infirmières : ils venaient de France, d’Europe, d’Afrique du Nord ou d’Afrique noire.

Leurs frères d’armes vietnamiens se battaient pour leur terre, pour leur liberté, par fidélité.

Ils étaient jeunes.
Ils sont morts au détour d’une piste, dans la boue d’une rizière, dans un camp de prisonniers.

Aujourd’hui, pour la première fois, la Nation rend officiellement un hommage solennel à nos combattants d’Indochine.

La France n’oublie pas.

A cette occasion, nous nous recueillons devant la dépouille d’un de ces combattants.

Il est tombé là-bas, il y a plus de 50 ans, quelque part au bord de la NAM YOUN, dans la plaine de DIÊN BIÊN PHU, ultime théâtre de ce drame dont la grandeur nous dépasse.

A travers lui, c’est à l’ensemble de ses camarades que nous rendons hommage.

Que les combats de nos soldats en Indochine puissent rester gravés à jamais dans la mémoire du peuple français.

Leurs actions héroïques étaient l’aboutissement d’une certaine conception du monde, dont les principes ont pour nom liberté, justice et démocratie.

Aujourd’hui, dans ces pays, après de longues années de nouvelles souffrances, la guerre appartient désormais à l’Histoire.
De nouvelles pages de paix, de coopération et d’amitié ont été écrites et s’écriront encore.

Dans un monde incertain, où la paix n’est jamais acquise, que le souvenir des exploits de nos combattants, que la force des valeurs qu’ils ont illustrées, nous aident à rester debout, en hommes libres, vigilants et déterminés.

Honneur aux combattants d’Indochine !
Hommage
de Monsieur Jean-Marie Rouart
de L’Adadémie Française

Dans cet instant où nous évoquons la guerre d’Indochine, nous sommes étreints par un sentiment où il entre autant d’excitation que de tristesse. Notre cœur est partagé.

Excitation devant l’un des plus beaux exemples de courage des soldats français. Tristesse que ce courage ait rencontré tant d’indifférence, tant d’incompréhension de la part de la Nation. Cette guerre, qui a la force d’un terrible symbole, ranime le souvenir de tous les combattants de la guerre d’Indochine, quels que furent leurs armes, leur grade, qu’ils fussent membres du Corps expéditionnaire, légionnaires, supplétifs indochinois, Tabors marocains. Tous furent non seulement français par le sang versé, par la souffrance, par l’idéal, mais ils appartiennent désormais à une même fraternité. Tous mêlèrent leurs rêves, leur courage, leur sang sur la terre rouge du Tonkin ou dans les eaux boueuses des rizières de Cochinchine ou d’Annam.

A côté de ces grandes batailles perdues, comme Dien Bien Phu ou Cao-Bang, qui suscitèrent tant de héros galvanisés par l’énergie du désespoir, n’oublions pas les combats plus obscurs: eux aussi ont donné lieu à des actes lumineux de bravoure. Leurs noms exotiques, difficiles à prononcer, ne parlent plus qu’à de rares survivants. Ils nous dessinent tous une géographie du sacrifice: THAT-KHÉ, COC XA, HOA-BINH, TAY NINH, la Rivière noire, le Fleuve rouge, la Plaine des Joncs, les marais de CAM AU, la Route coloniale n°1, que les soldats appelaient« la rue sans joie », la RC4 qu’ils appelaient « la route de la mort », le col des ANANAS, celui de LUNG PHAI, si propice aux embuscades. N’oublions pas, plus anonymes encore, ces soldats de vingt ans qui défendaient, à 14000 kilomètres de leur patrie, les fortins accrochés à des pitons calcaires encerclés par la jungle. Sous un soleil sans pitié ou sous la pluie tiède des moussons, seuls avec leur idéal et leur drapeau. Ils montrèrent un héroïsme d’autant plus poignant qu’il fut sans témoin, sans mémoire.

La ferveur que nous inspire le souvenir des combattants d’Indochine, ce sont eux qui nous l’ont transmise. Ils nous ont communiqué leur enthousiasme juvénile. Cette guerre cruelle, cette guerre tragique, ils voulaient la voir comme une belle aventure, au service d’une mission, au service des valeurs universelles de la France.

Beaucoup avaient répondu à l’appel de l’exotisme, du risque, du romanesque. Ils cherchaient, loin de leur terre natale, un sens à leur vie. Ils éprouvaient de la tendresse pour ce pays si beau, si attachant, qui flattait dans leur imagination des rêveries adolescentes. Aussi ont-ils vécu d’une vie intense des moments d’exception même s’ils les payèrent au prix le plus fort, celui de la mort, de la souffrance, de l’humiliation.

Mais ce n’est pas ici, dans une enceinte éclairée par la gloire militaire, qu’on va apprendre que le métier des armes comporte toujours le risque du sacrifice. Il est la marque de l’honneur militaire, cette poésie grave du devoir, qui lui confère une valeur spirituelle.

Cette reconnaissance de leur sacrifice, nous la devons aux morts de la guerre d’Indochine qui nous donnent parfois l’impression d’être des soldats oubliés, des morts sans sépulture. Mais nous la devons aussi aux vivants: les mutilés, les déportés des camps, à ceux qui ont perdu leur sang ou qui sont restés blessés à jamais dans leur âme. Au-delà de la vicissitude des combats, des aléas de la guerre et de la politique, ces soldats malheureux ont illustré des valeurs éternelles. Face à un adversaire dont /a bravoure fut égale à la leur, ils ont remporté par leur courage une victoire mystérieuse: elle laisse derrière eux un sillage de lumière et des étoiles qui ne s’éteindront jamais.

L’Hommage National aux morts pour la France en Indochine est depuis régulièrement célébré le 8 juin de chaque année.

Voir dans CD le dossier «  la célébration du 8 juin 2006 et celle du 7 juin 2007 à l’Arc de Triomphe à Paris.

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