Adjudant Guy Prigent dit » Le mousse »

Prigent est à l’extrême-droite.

Dien Bien Phu. Samedi 10 avril 1954. Cela fait presque trois semaines que le 6° Bpc a sauté en renfort du camp retranché. Nous sommes quelques jours après la Bataille des cinq collines, soit le 30 mars, quand le vietminh après une forte préparation d’artillerie tente de reprendre les points d’appui tenus par les français.

Ce jour- là, le Commandant Bigeard reçoit l’ordre de reprendre Eliane I. La 12° Compagnie du Lieutenant Trapp est désignée pour l’assaut. Le sommet est certes repris mais de nombreux chefs de sections sont tués ou blessés.

L’Adjudant Guy Prigent, Chef de section Appui, et alors qu’il se trouvait sur la colline mitoyenne d’Eliane IV, vient d’être tué sous un tir de mortier de 120.

La véritable valeur d’un Bataillon parachutiste, se mesure autant grâce à ses officiers que dans la qualité de ses sous-officiers qui savent inculquer un esprit de corps ! Pierre Sergent n’aurait pas dit mieux que ces derniers étaient les « Maréchaux du 6 ». L’un d’entre eux fût Guy Prigent.

Il est né le 15 octobre 1924 à Hanoi, où son père , alors Chef d’Escadron de l’Artillerie coloniale était stationné, avant d’être affecté en 1939 à Port de France. La Martinique reste alors, tout comme la Marine en réaction de Mers –el –Kébir, fidèle au Gouvernement de Vichy, alors que la famille de Guy serait plutôt favorable au gaullisme. Pendant que son père reste aux Antilles, comment un jeune homme peut-il rester en dehors de la guerre ? Comment à 20 ans peut- il rester à l’écart de son pays en danger ?

,Dans l’ordre (tous les 3 tués le 10 avril à Dien Bien Phu lors de la seconde reprise d’Eliane1) : – Sergent-chef Balliste (chef 1ere section 12em Cie 6em BPC) – Sergent Gosse (SOA 1ere section Balliste) – Adjudant Prigent (chef de la section des mitrailleuses lourdes 12em Cie 6emBPC)

C’est de Sainte-Lucie aux Antilles anglaises qu’il vient de rejoindre, qu’il pourra s’embarquer pour New York. Là, le 1er mai 1943, à peine âgé de 18 ans, il souscrira un engagement dans la Marine qui lui permet ainsi de rejoindre l’Europe. C’est de cette époque que pour beaucoup, il restera « le Mousse » ». Mais ce n’est pas la Marine qui l’intéresse réellement, mais l’arme naissante des parachutistes de la France Libre.

Arrivé à Glasgow, il quitte la marine et souscrit un nouvel engagement au titre du 4°Bataillon d’Infanterie de l’Air.

Il sera dirigé vers le camp d’Auchinleck pour un entrainement vigoureux puis ira à l’Ecole de saut de Ringway pour se faire breveter parachutiste anglais.

Ce n’est que le 4 janvier 1944, qu’il obtiendra le brevet parachutiste français avec le numéro 2 373.

1944 : A la page 61 du livre d’Henry Corta » Qui ose gagne », une photo prise en Ecosse en janvier 1944, le classe parmi le stick Botella. Le débarquement et l’heure de la libération de la France approchent et pour les parachutistes l’heure est bientôt venue de sauter sur « leur patrie bien–aimée ».

6 juin à 0 h 45. Deux avions Stirling s’apprête à lâcher ses parachutistes : le stick du Lieutenant Marienne sur la Base Dingson (secteur de Saint Marcel) dans le Morbihan puis à 1h15, le Stick du Lieutenant Botella sur la Base Samwest, dans les Côtes-d’Armor.

Ces bases devant servir à la fois de zone de parachutage et de base de ralliement pour les maquis locaux. Bien que la fiche signalétique des services de Guy Prigent fasse mention d’un saut sur la Bretagne dans la nuit du 6 au 7 juin 1944, il n’est pas invraisemblable que , faisant partie du stick du Lieutenant Botella (1), il fût peut être parmi les tout premiers parachutistes SAS à sauter sur la Bretagne , cette nuit du 5 au 6 juin 1944 !

Pendant ce temps, sur la base Dingson dans le Morbihan, le groupe du Lieutenant Marienne connait aussitôt les premiers accrochages et les premières pertes SAS.

Une fois au sol, le stick Botella part se dissimuler dans la forêt de Duault. A quelques kilomètres de là, le 9 juin, un autre groupe composé de 4 parachutistes et de résistants se reposent dans la ferme Kerhamon. Alors que les allemands suivent une pancarte détournée par les maquisards pour les induire en erreur, ils découvrent par hasard ce foyer de résistance. Ils reviennent le 12 juin et incendie la ferme. Le stick Botella se rapproche de celle-ci pour tendre une embuscade.

D’après le livre du Colonel Roger Flamand, des Paras de la France Libre) lui-même ancien SAS, Prigent pourrait avoir été blessé au pied une première fois (3), alors que le Lieutenant Botella sera au même moment plus sévèrement touché à la cuisse, avant d’être évacué.

La Base Samwest étant repérée, le Capitaine Leblond donne l’ordre d’évacuer et de rallier Dingson, la base sud. Le jeune Prigent est alors vraisemblablement regroupé au sein du détachement du Lieutenant Déplantes. Les parachutistes seront éparpillés par petits groupes dans la campagne bretonne.

Maintenant, Guy Prigent doit, en tant que SAS, assurer seul, la formation des maquisards peu expérimentés.

Le 12 juillet dans la région de Kerihuel (Morbihan), le PC du Lieutenant Marienne succombera.

Le 14 juillet, dans les environs de Kervernen (commune de Pluméliau), 300 allemands entreprennent d’attaquer à l’aube, le maquis de Prigent alors qu’ils sont nombreux à se reposer dans le grenier d’une ferme.

Il est 5 h du matin. Deux fermes nichées dans la verdure servent de PC à la 4°Compagnie du 1er Bataillon de FTPF (devenu le 5° Bataillon FFI). Une section assure la sécurité de la place alors que deux autres sections sont cantonnées à la sortie du hameau. Négligence, fatigue, sommeil, alerte tardive, la ferme du PC est cernée sans que le groupe d’hommes ait pu s’échapper.

Les combats dureront jusqu’au début de l’après-midi, obligeant les allemands à demander par trois fois des renforts. Ce jour-là Prigent sera blessé au pied et malgré cette blessure, il quitte précipitamment le grenier, traverse la cour de la ferme et grimpe dans un chêne têtard, ou il
s’immobilise dans le feuillage, à quelques mètres de hauteur. Il y restera sans bouger, une bonne partie de la journée et ce n’est qu’en fin de soirée qu’il en descendra, lorsque que la Croix–rouge sera autorisée à faire évacuer les 39 corps allongés dans la cour. Autant de maquisards seront
également faits prisonniers ou fusillés. Du fait de leur concentration, les résistants ont subi des pertes importantes.

Toutefois, au vu des pertes allemandes (130 hommes) et malgré leurs faibles
moyens, les maquisards se sont battus d’une manière acharnée.

Vers 10 heures du soir, Guy Prigent, se laisse donc choir de son arbre, est ramassé avec empressement, et placé dans le véhicule parmi les morts où d’autres corps viendront s’entasser par- dessus-lui.

Les membres de la Croix-Rouge auront pris soin de lui barbouiller le visage et les mains du sang de ses camarades. La camionnette retournant vers Plumeliau, est arrêtée à un barrage, où les allemands ne constateront rien d’autre que des cadavres à l’arrière.

Les corps seront déposés dans la sacristie d’un couvent. Les membres de la Croix-Rouge ainsi que les religieuses, l’emporteront et le cacheront dans la sacristie de l’église. Guy y restera quelques jours avant d’être récupéré par ses camarades.

Après un repos bien mérité, il réintègrera son unité dès le 15 septembre pour des opérations sur Jeep au sud de la Loire au moment où aux Pays-Bas se déroulent les opérations Market et Garden dont l’objectif est le contrôle des ponts qui qui franchissent les principaux fleuves et canaux qui mènent à la Ruhr, cœur industriel de l’Allemagne. L’opération sera un échec complet, et en mémoire des parachutistes tombés, le béret rouge des parachutistes britanniques porte un ruban noir en signe de deuil.
Par la suite, il sera encore de toutes les opérations sur Jeep entre le 27 aout et 10 septembre 1944.

Excellent tireur, Il se fera remarqué et cité pour la grande précision de ses tirs à la mitrailleuse.

Son unité le 4° SAS, s’étant rassemblé en l’Angleterre, il sera en tant que Caporal, parachuté sur la Hollande dans la nuit du 7 avril 1945. « Amherst» sera la dernière opération aéroportée, effectuée par le 2 et 3°SAS.

47 sticks seront parachutés malgré de très mauvaises conditions climatiques au point que les jeeps ne purent être larguées. Largués par vent violent et visibilité nulle au –dessus des nuages pour certains, perdus, et pour d’autres noyés dans les canaux qu’ils pensaient être des routes, dispersés, éparpillés, souvent loin de leurs DZ prévues et coupés de leur commandement , les parachutistes français subiront sévèrement la réaction allemande.

Les feux de la guerre s’éteignent lentement en Europe mais perdurent en Asie. Engagé pour la durée de la guerre, il se porte volontaire pour l’Extrême-Orient.

La guerre terminée avec cinq citations, le sergent-chef Guy Prigent , il débarque pour un premier séjour en Indochine le 13 mai 1946. Il sera parachuté à Siem Reap au Cambodge le 10 aout 1946.

Cette même année, il sera une nouvelle fois blessé dans la région de Dap-Bien.

Le 27 septembre 1947 il regagne la métropole. Muté à la brigade des parachutistes coloniaux, il obtient son brevet de chef de section. Il décide de rejoindre le 6° Bpc pour un second séjour.

Il fera toute la campagne du Bataillon, ainsi que les deux sauts opérationnels sur Dien Bien Phu.

Il est encore cité deux fois, le 13 octobre 1952 et le 23 décembre 1953. Ce seront ses huitièmes et neuvièmes citations.

Décoré de la LH, Médaille militaire, Médaille de la Résistance, des croix de guerre belge et néerlandaise, de l’ ordre du Mérite Thaïe, de la croix de la Vaillance vietnamienne, l’adjudant Prigent malgré ses 14 titres de guerre, n’en conservera, pas moins sa modestie coutumière, son sourire aimable.

Sa vie fût certes courte. Mais elle fût remplie de dévouement pour son pays.

Dans une « parcelle de gloire » Bigeard dira de lui » qu’il valait un officier ».

En 1982, la 70° Promotion de l’Ecole d’Application de l’Infanterie fût baptisée du nom de l’Adjudant Guy Prigent.

M. Pierre FLAMEN et C.ROYER
Nb : A cause des risques encourus en cas de capture, les journaux de marche des parachutistes SAS sont inexistants.

Les faits n’ont été rapportés qu’après- guerre. Ce qui explique la méconnaissance des états de service de certains parachutistes. Il convient également de relever certaines différences dans les dates concernant le passé SAS de Guy Prigent.

Ceci laisse supposer, qu’en ces périodes de guerre, la mise à jour des états de service bien qu’étant officiels, n’était pas à l’époque la priorité absolue de l’Etat-major.

-(1) Livre 2 SAS les paras page
– (2) Page 128 « Qui ose vaincra » de Paul Bonnecarrère »
-(3) les paras de la France libre du Colonel Flamand p 151

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