L’organisation du Dich Van

Il est divisé en trois « départements », assistés de conseillers étrangers, dont ceux du PCF, chargés, chacun en ce qui le concerne, des français, des musulmans, des africains et des soldats de la Légion Etrangère, et aussi de veiller à l’application des directives du Tong-Bô et au fonctionnement du système.
Ainsi le PCF joua un rôle essentiel, non seulement dans la conception, mais aussi dans l’exécution du lavage de cerveau, ce qui explique sa parfaite adaptation aux mentalités françaises et partant sa redoutable efficacité. Georges Boudarel en sera un excellent exemple.


Buts – méthodes – slogans – fêtes – héros et liturgie marxistes

Buts majeurs : amener les prisonniers à épouser la cause qu’ils étaient venus combattre ; les engager dans la lutte pour la paix et le rapatriement du CEFEO ; les convertir au communisme ; les convaincre de la juste cause du Vietnam.

Les libérations inconditionnelles visaient trois objectifs : « inoculer » ces convertis devenus pacifistes dans les rangs du CEFEO pour amoindrir sa combativité ; donner au Viet-Minh magnanime une dimension internationale en prouvant son humanisme ; se débarrasser des bouches inutiles.

Les méthodes étaient héritées des expériences nazies, soviétiques, chinoises et fascistes qui avaient mis en pratique les techniques de conditionnement, de manipulation et de d’endoctrinement des masses.

Citons : la coupure totale avec le milieu initial créant l’isolement absolu ; l’abolition des grades et des références morales ou sociales; la délation érigée en règle et considérée comme un devoir ; la répétition incessante des arguments et slogans ; la critique et l’autocritique ; la mauvaise conscience éveillée chez tous ; le mirage de la libération ; le stakhanovisme : l’idéal du dépassement des normes ; le chantage non dit à la mort, chacun sachant son espérance de vie limitée.

Tel l’homme qui se noie, le captif s’accroche à la branche que lui tend le bienveillant can-bô. Il est mûr pour tous les renoncements.

Les slogans sont évidemment ceux, bien éculés, du PCF et du parti communiste soviétique qui envoie ses directives à tous les partis frères : la sale guerre, l’impérialisme sanguinaire, le colonialisme exploiteur, avide et perfide, le capitalisme égoïste, le socialisme généreux, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes etc.

Les héros de l’émancipation de l’homme, les bienfaiteurs de l’humanité sont évidemment :Marx, Engels, Lénine, Staline, Mao-Tsé-Tung, Ho-Chi-Minh, mais aussi : Henry Martin, Raymonde Dienne, Eugénie Cotton, Jeannette Veermersch, ces figures momentanées du PCF. Sont cités aussi : Maurice Thorez, Jacques Duclos, le ménage Joliot Curie, les marins des cuirassés Potemkine et Aurora, les mutins de la Mer Noire, André Marty …jusqu’à sa disgrâce.

La dynamique révolutionnaire est sans cesse attisée par des fêtes, meetings, cérémonies, anniversaires, célébrations de toutes sortes où le grandiose se mêle au grotesque !

Ces rassemblements sont ponctués de discours, déclarations spontanées, manifestes émanant des captifs mandatés par la masse, de slogans répétés en chœur, de chants et tout spécialement l’Internationale, de litanies rappelant les hauts faits des héros, tel Lé-Ong-Phong personnage historique.

Tout ce rituel donne naissance à une phraséologie conventionnelle parfois cocasse résultant de la formation primaire des can-bôs et de leur piètre connaissance du français. Elle est inspirée des thèmes chers à l’Humanité, le journal du PCF,dont les plus récents exemplaires datent alors de six mois.

L’ensemble de ces actions est animé par le can-bô. Il vit journellement auprès des prisonniers, les connaît, les note, suscite leur engagement dans la lutte, écoute les délateurs, manipule ses agents, isole les nouveaux arrivants pour les empêcher de répandre de fausses nouvelles. Cadre de contact, il conduit la « rééducation ».

Parfois lui est adjoint un transfuge français. Ce fut le cas de Georges Boudarel, présent au Camp N°113 depuis février 1953 jusqu’en janvier 1954. Ses capacités d’action étaient réelles. Il jugeait en effet de la maturité socialiste des détenus, et par conséquent de leur aptitude à une éventuelle libération, dont dépendaient leurs ultimes chances de survie. Sans avoir à les brutaliser, il avait ainsi sur eux le pouvoir de vie ou de mort.

Notons que des femmes d’origine française, parfois prises en otages en 1946, collaborèrent au Dich-Van. Ce fut le cas de madame Ben et de Camille Sigonnet au camp N°113 en 1951, où le rédacteur de ce document les a bien connues.

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