Le statut des anciens prisonniers des Japonais

Sans visite de libération, sans service social, sans service de santé, sans média, ces prisonniers vont avoir les pires difficultés pour faire reconnaître leurs droits, voir se heurter à l’impossibilité d’apporter les preuves de leur captivité pour obtenir réparation.

Aujourd’hui, ils sont moins de 500 survivants dont la moyenne d’âge dépasse allègrement les 80 ans. Les prisonniers des Japonais n’ont jamais vraiment eu de libération. Aujourd’hui, l’évènement du 9 mars 1945 semble être gommé de la mémoire collective de la Nation.

Deux lois ont été votées en 1948 en faveur des déportés et des internés de la guerre 1939 – 1945 :

  •     la loi du 6 août 1948 (déportés et internés résistants)
  •     la loi du 9 septembre 1948 (déportés et internés politiques)

Ces lois concernent également « ceux d’Indochine ». Lors des débats précédant le vote, le 8 juin 1948, au Conseil de la République, Monsieur DURAND-REVILLE a fait un long plaidoyer en faveur des déportés des camps japonais en INDOCHINE.

Depuis le vote de ces lois, toutes les demandes de titre de déporté ou interné par les prisonniers des japonais ont été déboutées pour les motifs suivants :

  •     capturé par les Japonais et incarcéré comme prisonnier de guerre, l’intéressé n’a pas droit au titre de déporté ni d’interné
  •     l’intéressé résistant à l’attaque japonaise par les armes n’a fait que son devoir ; il n’a pas fait acte de résistance et ne peut prétendre au titre de déporté ou d’interné résistant.
  •     l’intéressé n’a pas été incarcéré durant plus de 90 jours dans le lieu de déportation figurant sur l’arrêté ministériel du 22 janvier 1951, il ne peut donc prétendre au titre de déporté politique.

Jusqu’en 1993, soit 48 ans après les faits, aux questions écrites ou orales des parlementaires les ministres successifs chargés des Anciens Combattants ont toujours répondu : « Les cas des anciens prisonniers des Japonais sont déjà régis par les lois d’août et de septembre 1948 ; il n’y a pas lieu de légiférer à nouveau ».

La formule est en contradiction totale avec les rejets des demandes de titres. D’un côté, le champ d’application de ces lois ne couvre pas le cas des anciens prisonniers des Japonais, et de l’autre, on proclame que leur cas est déjà réglé par ces lois.

Les pouvoirs publics constatant qu’il existe un «vide juridique et réglementaire » pour certains anciens combattants de 1939 – 1945, ceux des camps «durs» d’Europe (Lübeck, Colditz, Rawa-Ruska, etc…) et également pour tous les camps d’Indochine (japonais ou vietminh) ont pris un décret en 1973, complété par un second en 1977, et, en 1981, un troisième modifiant les deux premiers.

Les décrets ont permis à certains prisonniers d’obtenir la reconnaissance de leurs invalidités, par présomption et sans délai, pour certaines maladies.

Pour les autres maladies, l’obtention des réparations était assortie de délai et de limite d’âge :

  •     « Dans les quatre ans après la libération ».
  •     « avant cinquante cinq ans ».

Les anciens prisonniers des Japonais, compte tenu des conditions de leur libération en septembre 1945, ne peuvent prétendre qu’à certaines maladies « sans délai ».

Les anciens prisonniers du Vietminh ont estimé avec juste raison qu’il restait un vide juridique pour leur cas. Dès 1986, ils ont déposé une proposition de loi qui a abouti à un vote favorable. La loi 1013-89 du 31 décembre 1989 leur a donné un statut comparable à ceux des déportés résistants. La seule condition était la durée de captivité : plus de 90 jours.

La quasi-totalité des anciens prisonniers du Vietminh ayant plus de 90 jours de captivité ont reçu leur carte.

En 1992, Jacques Godfrain, député de l’Aveyron, a déposé en faveur des anciens prisonniers des Japonais une proposition de loi tendant à conférer à ces derniers un statut comparable à celui des anciens prisonniers du Vietminh. Monsieur B. HUGO, sénateur de l’Ardèche, a déposé la même proposition de loi au Sénat.

L’ANAPI a écrit à tous les parlementaires (députés et sénateurs pour leur présenter cette proposition de loi ,

  •     plus de 100 parlementaires se sont associés à cette proposition de loi, et
  •     plus de 200 l’ont soutenue en répondant à notre lettre d’introduction.

Le Gouvernement de l’époque ne voulait pas d’une nouvelle loi, d’après le Secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants : « Il n’y a pas lieu de légiférer à nouveau, les cas de ces anciens prisonniers sont déjà régis par les lois d’août et de septembre 1948 ».

Il n’y avait donc aucune volonté politique de faire aboutir cette affaire.

En 1982, un arrêt du Conseil d’Etat, dit arrêt LAFFARGUE, a exclu tous les anciens militaires prisonniers des Japonais du bénéfice de la loi du 6 août 1948 (déportés et internés résistants) : « Le militaire résistant aux Japonais par les armes n’a pas fait acte de résistance dès lors qu’il était en activité de service dans une unité combattante attaquée par les Japonais ».

Les Pouvoirs Publics, fort de cet arrêt, rejetèrent toutes les demandes de titre de déporté ou d’interné résistant.

Cependant, ceux qui ont été incarcérés dans les camps de concentration ont eu un petit espoir Dès 1993, grâce aux coups de butoir des parlementaires, grâce surtout aux Dèsaveux répétés des prises de position administrative du Ministre par les Instances Judiciaires.

L’arrivée de M. MESTRE au Ministère des Anciens Combattants a accéléré les choses. Le titre de déporté politique est rapidement conféré aux anciens prisonniers ayant été déportés à HOABINH ou à PAKSONG lorsqu’ils y ont contracté une maladie pensionnée car la durée de déportation n’a pas atteint les 90 jours.

Cet assouplissement d’interprétation de la loi a permis jusqu’à ce jour à plus de 180 anciens prisonniers des Japonais d’obtenir la carte de « déporté politique ». On assiste là à une anomalie fondamentale car des officiers (généraux, colonels, etc…), des sous-officiers sont aujourd’hui devenus des victimes civiles de la guerre. Si la loi est mal faite, il faudrait la modifier.

Récemment, en grande partie grâce à la pression de la rue, les anciens prisonniers des rebelles d’Afrique du Nord ont obtenu satisfaction pour une loi leur conférant un statut particulier.
On peut se réjouir de cette « réparation », même plus de 30 ans après les faits, accordée à des anciens prisonniers qui ont souffert dans leur âme et dans leur corps.

Il ne s’agit pas de comparer les misères et les souffrances. Il s’agit de justice et d’équité. Peut-on aujourd’hui refuser aux anciens prisonniers des Japonais dont la moyenne d’âge est de 82 ans ce qu’on a accordé pour des cas semblables à deux générations de plus jeunes ?

Près de 300 prisonniers de guerre des Japonais sont exclus du bénéfice du titre de déporté politique parce qu’ils n’ont pas été incarcérés dans un camp de déportation, et n’ont obtenu que l’application stricte des décrets sur les camps durs de 1973, 1977 et 1981, c’est-à-dire la reconnaissance de quatre infirmités.

L‘ANAPI, dès 1996, a essayé de présenter un projet de modification de ces décrets permettant de supprimer les contraintes des délais de premières constatations des maladies (dans les 4 ans après la libération, dans les 10 ans après la libération) ou des limites d’âge (avant les cinquante ans).

Cette souplesse d’interprétation est surtout demandée pour les maladies exotiques qui peuvent apparaître ou s’aggraver au fil des ans.
Malheureusement, les décrets précités ont été consoliDès par la loi de 1983. Donc, pour modifier les décrets précités, il faudrait légiférer à nouveau avec toutes les difficultés inhérentes au champ d’application de cette loi, qui couvre tous les camps durs d’Europe. Les pouvoirs publics, craignant un effet d’entraînement, ont refusé de modifier cette loi.

Retour en haut